Revue de presse 19

Revue de Presse N°19 - 2017

DANS LA PRESSE…

S’interroger sur les conséquences de l’utilisation plus adaptée des produits sanguins labiles (PSL) chez les patients grâce à l’introduction et à l’extension de la gestion du sang du patient (« Patient blood management ») est un sujet d’actualité qui intéresse également le versant donneur de la chaîne transfusionnelle (adaptation des collectes). Un article récent aborde cette question et montre une réduction de délivrance de concentrés de globules rouges (CGR) grâce à la gestion du sang du patient (Yazer et al. Changes in blood center red cell distributions in the ear of patient blood management: the trends for collection study. Transfusion 2016;56:1965-1973).

Les auteurs ont collecté les données de la distribution des CGR selon les groupes ABO et RH1 dans plusieurs centres de transfusion sanguine aux Etats Unis (7 au total) et dans les services nationaux ou provinciaux de différents pays (Australie, Canada, Québec, Irlande, Israël, Royaume Uni, Pays de Galles et Japon) sur cinq années fiscales 2010 à 2014 (l’année fiscale étant définie de la manière suivante : pour l’année fiscale 2010 par exemple, est prise en compte la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010). Les données de la Croix Rouge japonaise n’ont pas été utilisées dans les calculs de distribution (plus grand nombre de distributions et différences en matière de groupes ABO et RH1).

Le nombre total de distribution a baissé sur les 5 années retenues. Les résultats sont similaires pour les Etats Unis et les autres pays en matière de tendance, mais d’intensité différente. Le nombre de distributions aux Etats Unis était en 2014 inférieur de 16,9% à celui de 2010. La diminution était de 8,0% pour les autres structures.

Par contre, la proportion de CGR O RH-1 distribués sur tous les centres de transfusion analysés a augmenté entre 2010 et 2014 passant de 10,10% à 11,15%. Cette différence représente une augmentation de 10,4%. L’accroissement était observé dans les centres de transfusion aux Etats Unis (+ 9,33%) comme dans les autres structures étudiées (+10,5%). Mais, aux Etats Unis, le nombre absolu de CGR O RH-1 distribué a diminué, passant de 233 241 en 2010 à 212 168 en 2104 (-9%). Pour les autres structures, au contraire, une légère augmentation a été observée en nombre absolu (445 331 en 2010 contre 452 476 en 2014 ; +1,6%).

Pour les CGR de groupe O RH1, le mouvement est « discordant ». Une augmentation de la proportion de distribution de CGR O RH1 est notée aux Etats Unis (+2,9%) malgré une diminution du nombre absolu de CGR O RH1 distribués. Dans les autres structures, une faible diminution de la proportion de distributions de CGR O RH1 est observée (-1,1%), en dépit d’une diminution du nombre absolu de CGR distribués (-9,1%). Enfin, les distributions combinées de CGR B RH1 et AB RH1, tous centres de transfusion sanguine confondus, diminuent en proportion de 10,84%. Cette donnée est accompagnée d’une diminution en nombre absolu des CGR distribués (-13,6%).

Les auteurs émettent quelques hypothèses. L’augmentation de la proportion de CGR O RH-1 observée, est-elle due à une augmentation des protocoles de transfusion massive ? Les auteurs signalent également que les chiffres de distribution ne représentent pas l’utilisation actuelle des CGR mais peuvent être assimilés à des « marqueurs indirects corrects » de leur utilisation.

Les auteurs sont incités à rattacher la réduction de distributions notée sur la totalité de la période retenue à une mise en place des programmes basés sur la gestion du sang du patient au sein des hôpitaux.

Enfin, ils concluent que si l’ensemble des distributions de CGR a baissé, la proportion de CGR O a considérablement augmenté.

Indépendamment des politiques mises en place pour prévenir l’alloimmunisation anti-érythrocytaire post-transfusionnelle, tenter de détecter les mécanismes la favorisant et parvenir ainsi à encore mieux cibler les patients à risque demeure une préoccupation quotidienne. Des auteurs viennent de s’intéresser à l’alloimmunisation anti-RH1 (anti-D) chez des patients cancéreux RH-1 (D négatif) transfusés avec des concentrés de globules rouges RH1 (D positif). Leur étude montre que le type de pathologie cancéreuse a un rôle dans l’apparition de celle-ci (Arora et al. Cancer type predicts alloimmunization following RhD- incompatible RBC transfusions. Transfusion 2017;57:952-958).

L’étude rétrospective a été réalisée dans une seule institution, sur une période de 4 ans (janvier 2011 à décembre 2014) et a concerné 224 396 CGR transfusés. Les critères d’inclusion des patients étaient les suivants : porteur d’une pathologie oncologique, groupe RH-1, ne présentant pas d’alloimmunisation anti-RH1 avant les dates de l’étude, ayant reçu au moins un CGR RH1 et ayant bénéficié d’un suivi pour recherche d’anticorps anti-érythrocytaires d’au moins 28 jours après la transfusion. Parmi ces unités, 5576 CGR RH1 ont été transfusés à 936 patients RH-1 atteints d’une pathologie oncologique. Un total de 391 patients a été exclus (pas de recherche d’anticorps anti-érythrocytaire jusqu’à 28 jours ou plus tard après le transfusion). Les 545 patients restants ont reçu 4295 CGR RH1.

Le volume moyen transfusé était de 369 mL. Les 469 patients n’ayant pas acquis d’anticorps anti-RH1 dans les 28 jours (considérés comme « non répondeurs ») ont reçu 3950 CGR RH1 (moyenne de 8,4 unités). Pour les 76 (sur 545 patients, soit 14%) ayant présenté une alloimmunisation anti-RH1 (étiquetés « répondeurs »), un total de 345 CGR RH1 a été administré (moyenne de 4,4 unités). Un élément intéressant est le fait que sur ces 76 répondeurs, 41 (54%) ont également acquis des anticorps anti-érythrocytaires autres qu’anti-RH1.

La pathologie oncologique primaire est significativement associée au statut de « répondeur ». Des critères tels que l’âge, le sexe, l’ethnie et le groupe ABO ne sont pas statistiquement significatifs. En régression logistique et même après ajustement au nombre de CGR transfusés, les patients atteints de myélodysplasie ou de tumeurs solides sont les plus répondeurs (Odds ratio à 3,435 pour les premiers, à 2,9 pour les seconds) que les patients atteints de leucémie aigue. Le taux d’alloimmunisation des patients avec syndrome myélodysplasique est de 23%, celui des patients avec tumeurs solides de 22,6% à comparer au taux de 7% pour les autres pathologies hématologiques malignes.

A noter que 33 des 76 patients répondeurs avaient eu une chimiothérapie ou une immunothérapie au moment de la transfusion de CGR RH1 ou dans les 7 jours incluant la transfusion RH1 incompatible.

La cause favorisant l’alloimmunisation anti-RH1 chez les patients avec syndrome myélodysplasique n’est pas connue. Les auteurs notent que les patients porteurs d’un myélome ont également un taux d’alloimmunisation élevé (16%) mais statistiquement non significatif.

Les auteurs mettent en relief plusieurs limites à leur étude. Les patients ne sont pas régulièrement testés pour l’alloimmunisation anti-RH1 et le moment exact de celle-ci n’est pas connu. Les produits sanguins labiles autres que les CGR ont été exclus. Le taux faible d’alloimmunisation anti-RH1 chez les patients en oncologie peut être du à l’effet immunosuppresseur des chimiothérapies. Par rapport aux tumeurs solides, le taux plus faible d’alloimmunisation dans les hémopathies.est peut être lié à une atteinte des lymphocytes. Les auteurs observent que 43% des « répondeurs » avaient reçu une chimiothérapie et sont surpris de cette donnée. Mais, ils ne savent pas combien de « non répondeurs » ont été traités par chimiothérapie, élément limitant.

Des stratégies destinées à détecter les patients à haut risque de formation d’anticorps anti-RH1 sont à développer.

La transmission du virus de l’hépatite E (VHE) par transfusion, particulièrement chez les patients immunodéprimés, et la question relative à la mise en place d’un dépistage de ce virus chez les donneurs de sang constituent des préoccupations du moment. Une revue portant sur la situation actuelle montre que ces questions nécessitent des décisions et une gestion adaptées (Ankcorn & Tedder. Hepatitis E : the current state of play. Transfusion Medicine 2017;27:84-95).

Les auteurs rappellent que ce virus à ARN est transmis de manière différentes selon les pays : transmission oro-fécale dans les pays émergents, transmission par consommation de viande (porc) dans les pays industrialisés. En 2016, l’Organisation mondiale de la santé estimait que chaque année, 20 millions d’infections surviennaient avec plus de 3 millions de formes symptomatiques et plus de 55 000 décès liés. Le nombre de cas annuels est en augmentation et l’infection par le VHE est la cause la plus habituelle d’hépatite aigue au Royaume Uni et dans une partie de l’Europe.

Les préoccupations portent sur les patients immunodéprimés chez lesquels le virus peut persister conduisant à une hépatite chronique et au développement rapide d’une cirrhose. Exposant successivement l’historique de ce virus, ses caractéristiques virologiques, sa séroprévalence, son épidémiologie et sa transmission, les auteurs abordent la transmission du VHE par les produits sanguins, les tissus et les organes. La transmission peut se réaliser lorsqu’un donneur de sang virémique est prélevé et les produits sanguins issus de son don transfusés. Si dans les pays d’endémie, le type G1 domine, dans les pays développés la transmission concerne le type G3. La prévalence de ce type G3 chez les donneurs de sang se situe entre 1 pour 762 donneurs aux Pays Bas à 1 pour 9500 donneurs aux Etats Unis. Tous les types de produits sanguins labiles sont concernés. Les aspects cliniques de cette infection sont présentés. Les auteurs s’intéressent à plusieurs types de patients : transplantés, receveurs de cellules souches hématopïétiques, patients porteurs du HIV, patients soumis à d’autres traitements immosuppresseurs.

Sur le plan diagnostic, une distinction doit être réalisée entre la forme aigue [symptôme (ictère, …), présence d’ARN du virus dans le plasma, existence d’une séroconversion, IgM puis IgG] et la forme persistante chez les receveurs pour lesquels la séroconversion est retardée ou absente et où seule la détection d’ARN permet le diagnostic (accessibilité du test, laboratoires de référence, coût). L’utilité d’un test de dépistage de l’antigène VHE est évoquée. Les questions portant sur l’impact de fourniture de produits sanguins testés pour le VHE et de la diminution de l’infection à VHE par l’emploi de techniques de réduction de pathogènes standards représentent des points à considérer dans de futures recherches. Enfin, le traitement de la forme aigue, de la forme persistante et des rechutes, la question de la virorésistance d’une minorité de patients chez lesquels la disparition du VHE ne peut être obtenue par la seule ribavirine sont présentés. Dans un dernier chapitre, les auteurs exposent les moyens de réduire le risque d’infection par le VHE pour protéger les patients immunosupprimés vulnérables : dépistage de l’ARN du virus dans le plasma des donneurs (difficultés de détection des donneurs à risques en pré-don : donneurs pauci-symtômatiques, absence de critères permettant de prédire quels seraient les donneurs infectés) avec dépistage individuel, dépistage sur pools. Ils précisent qu’actuellement les techniques de réduction de pathogènes standards demeurent incertaines en matière d’efficacité.

Pierre MONCHARMONT

N°19
2017