Editorial 11

EDITORIAL N°11 - JANVIER 2016

Chers internautes,

A l’occasion de cette nouvelle année, je vous souhaite l’an 2016 aussi bon que possible !

Mais que souhaiter au monde de la transfusion sanguine ? Être ou ne pas être ?

L’actualité en parle toujours : organisation bouleversée des collectes à Paris et en Île de France, dans l’urgence, lors des attentats du 13 novembre 2015 ? Comment ne pas répondre à cet élan de la population qui se dirige spontanément vers les lieux de collecte afin de donner ce qu’elle peut donner ; nous nous sentons si démunis face à de si bouleversants évènements.

Nous nous apercevons à cette occasion que le don du sang fait partie des premiers élans de solidarité. Bien que chargé de valeurs symboliques complexes, c’est, que nous nous en défendions ou pas, un des maillons du lien social. Ce lien social qui manque cruellement dans notre société occidentale et dont la disparition est en partie à l’origine de tous ces drames.

Je souhaite revenir sur un point majeur qui complique l’organisation de la transfusion sanguine et tout particulièrement de la collecte : l’information du donneur. Celle-ci ne vous semble-t-elle pas terriblement difficile à mettre en oeuvre ? Le Monde, daté du 9 décembre 2015 (supplément Sciences et Médecine p 4 et 5), titrait « Consentement : mieux informer les donneurs de tissus humains ». L’article portait sur la gestion des banques d’échantillons biologiques ; mais l’information du prélèvement de ce tissu particulier que représente le sang est également bien difficile.

Comment le médecin peut-il s’assurer que le donneur a bien compris le risque qu’il peut faire encourir au patient qui va recevoir son sang ? Pour moi, seule la reformulation de l’information par le donneur est efficace. A cette proposition de bon sens, les organisateurs de collectes m’opposent que les « médecins n’ont pas le temps ».

Alors, prélever une personne qui n’aura pas compris le sens de ses éventuels facteurs de risques doit être, en pratique, accepté…

Devant cette évidence et notre obligation d’informer le patient qui va recevoir un produit sanguin, quelle sera sa réaction lorsque nous devrons préciser : « Nous ne pouvons pas vous garantir que le donneur a parfaitement compris les risques qu’il a pris et qu’il vous fait courir ? »

Deux situations : le malade est exsangue et n’a pas le choix : « bénéfice /risque » fait loi.

Le malade a une anémie chronique, il est déjà âgé ou bien sa maladie engage gravement son pronostic vital, il choisira le confort immédiat misant sur le faible risque de voir se développer une maladie transmissible.

S’il est encore jeune et à fortiori en rémission durable d’une maladie grave, peut-être choisirat- il de diminuer la fréquence du risque, quitte à sacrifier son confort immédiat ?

C’est personnellement ce que je choisirai en attendant les résultats de grandes avancées scientifiques telles que la culture d’érythrocytes in vitro de Luc Douay (1) ou la possibilité de développer un substitut sanguin comme l'hémoglobine extracellulaire, polymère naturel géant du ver de vase, Arenicole marina (2). Qui plus est, les techniques d'ADN recombinant pourraient être utilisées pour exprimer la protéine en grande quantité (3). Ces technologies ont, de plus, le mérite de supprimer l’immunogénicité des globules rouges qui représentent, ne l’oublions pas, le risque majeur de la transfusion sanguine.

Je rêve de ne plus avoir besoin de prélever des cellules, des tissus pour les transfuser ou les greffer à des patients. Je me plais à évoquer les paroles de Jean Bernard qui prédisait que « la transfusion était née avec le 20ème siècle et s’éteindrait avec ce siècle. » Sommes-nous à quelques années de la réalisation de cette prédiction ? Ou encore à des années lumières ?

Dominique JAULMES

1- Large-scale production of red blood cells from stem cells: what are the technical challenges ahead? Rousseau GF, Giarratana MC, Douay L. Biotechnol J. 2014 Jan;9(1):28- 38
2- Arenicola marina extracellular hemoglobin: a new promising blood substitute. Rousselot M1, Delpy E, Drieu La Rochelle C, and al. Biotechnol J. 2006 Mar;1(3):333-45.
3- Advancement in recombinant protein production using a marine oxygen carrier to enhance oxygen transfer in a CHO-S cell line. Le Pape F, Bossard M, Dutheil D, Rousselot M, Polard V, Férec C, Leize E, Delépine P, Zal F. Artif Cells Nanomed Biotechnol 2015 Jun; 43(3):186- 95

JANVIER 2016
N°11