Editorial 3

EDITORIAL N°03 - Décembre 2013

Ce trimestre, l’actualité fut marquée plus particulièrement par l’organisation le 18 octobre à l’INTS du 1er séminaire sur l’éthique transfusionnelle en présence de Christian HERVE (Laboratoire d’Ethique PARIS DESCARTES), Marie Charlotte BOUESSEAU (OMS Genève), Jean Daniel TISSOT (CTS Lausanne), Yves-Charles ZARKA et Richard POTTIER (Philosophes Paris Sorbonne), Jean Jacques LEFRERE (INTS et Paris Descartes), Pascal MOREL (EFS), Michel MONSELLIER (FFDSB), Olivier GARRAUD (EFS et Université St Etienne), Olivier HERMINE (Necker et Paris Descartes), Thomas SANNIE (AFH), Jean Pierre CAZENAVE (SFTS) et Jean Jacques CABAUD (INTS).

Vous trouverez ci-joint le lien pour visualiser les différentes interventions : http://seminairesints.wordpress.com/

Ce séminaire a tenté de positionner une éthique transfusionnelle alliant sécurité transfusionnelle, éthique du don (bénévolat versus prélèvement rémunéré), autonomie régionale et nationale (notamment pour le plasma), besoins des patients.

Les idées fortes sont toujours sous tension, situation qui semble normale dans une réflexion éthique ; celle-ci n’étant en aucun cas une démarche de procédure, ni un référentiel de bonnes pratiques, mais une réflexion permanente suivant le fil conducteur de notre déontologie médicale, prenant en compte une éthique sociétale (éthique de justice).

Le professionnalisme en matière de transfusion sanguine ne se résume pas à la seule compétence scientifique, ni à la gestion des risques et des stocks. Il est impératif de réfléchir au sens de la prescription, sur le nombre optimal de prélèvements, d’anticiper les besoins et les risques. Cette réflexion n’est éthique que si elle remet au centre de notre préoccupation le malade et le donneur.

Le bien-être du malade est-il antinomique avec celui du donneur ? C’est peut-être une fausse équation ?

L’éthique transfusionnelle peut-elle être universelle ? Compte-tenu des modes de fonctionnement et de pensée différents nord-sud, pouvons- nous vraiment « harmoniser nos pratiques » et créer un cadre normatif international ?

Là encore le principe de justice est malmené : où est l’accès équitable à la transfusion sanguine sur le globe ? Où est la couverture sanitaire universelle ? Qu’en est-il de l’utilisation rationnelle de ces précieuses cellules et « humeurs ».

Nous pouvons réfléchir sur la futilité de certains soins ou traitement ! Sur le principe de précaution poussé à l’extrême dans certains pays alors que l’autre partie de la planète n’a pas les moyens de réaliser le minimum sécuritaire. Nous relèverons aussi les tensions entre la vulnérabilité du donneur qui pourrait être soumis à des pressions d’ordre financières, institutionnelles ou familiales.

Au niveau de la valeur et du sens du don, parvenons-nous à dégager un parfait désintéressement ? Nous notons toujours des tensions entre la solidarité, la rémunération, l’anonymat, la satisfaction voire la fierté d’être donneur de sang ou d’organe. Les notions de don et de « contredon » ont été discutées.

Tensions encore entre le besoin toujours croissant de dons de cellules ou d’organes répondant au désir de vie éternelle des humains et particulièrement des personnes malades, le respect du donneur et de ses proches, la notion de solidarité dans une chaîne d’humanité, dans une relation de confiance au sein de la société : confiance entre le malade et le médecin, entre le donneur et le corps médical.

Les principes de bienfaisance et de non malfaisance sont à respecter. Le respect de la vie, ne doit pas être confondu avec la prolongation de la vie au détriment de la dignité mais aussi d’une justice sociale.

Il semble important de définir un minimum de principes éthiques universels : solidarité ; non marchandisation ; dignité du corps humain ;

Comme dans le domaine de l’économie le rôle des instances indépendantes de contrôle est capital.

Je vous laisse goûter la savoureuse et acrobatique démonstration d’Olivier GARRAUD qui rapporte l’éthique transfusionnelle à la circulation transmembranaire des constituants cellulaires.

Là encore, il semble important de réfléchir au besoin d’ajuster le risque pris par le donneur au risque du patient.

Côté Prescripteur, Olivier HERMINE nous fait nous interroger sur la possibilité de diminuer la qualité des PSL pour augmenter la disponibilité ? Quelle discrimination entre différents profils de receveurs ?

En matière d’éthique transfusionnelle, la réflexion me semble être la même qu’en matière d’économie. Ne devons-nous pas nous interroger sur la mondialisation ? La globalisation ? Le développement local ? Le sens de l’éthique selon les cultures différentes ? La valeur du bien commun ? Face aux valeurs des particuliers ? Dans la chaine transfusionnelle, les intérêts des différents acteurs peuvent-ils se rejoindre ? Donneurs, malades, mais aussi cliniciens et industriels,...

Pouvons-nous anticiper les besoins, les risques, les futurs critères d’une société plus solidaire, pouvons-nous apprendre à « réfléchir l’éthique », à informer et former non seulement les acteurs de la transfusion : professionnels mais aussi malades, donneurs et avant d’être donneur ou malade, les citoyens dès leur tendre enfance. Ce travail de sensibilisation et de formation sera d’autant plus efficace qu’il se construira selon une démarche transversale et participative entre ces différents protagonistes.

C’est là notre vœux le plus cher pour la transfusion sanguine en 2014 et puisque le temps est venu, nous vous souhaitons à tous un joyeux Noël et de très belles fêtes de fin d’année.

Dominique JAULMES

Décembre 2013
N°03