Editorial 8

EDITORIAL N°08 - JANVIER 2015

Cher internaute,

J’aborderai ce jour deux sujets d’actualité, en espérant qu’ils seront largement déclinés et développés dans nos futurs congrès et surtout dans nos groupes de travail.

Le 16 avril dernier, Jean Jacques LEFRERE nous quittait et je ne peux qu’adouber le très beau texte de Jean Yves MULLER, Président de la Société Française de Transfusion Sanguine sur la vie et la mort de notre collègue. Je voudrais juste ajouter que Jean Jacques faisait également partie de la commission d’éthique de l’Institut National de Transfusion Sanguine (INTS) et que son expertise et son humanité nous manqueront. Jean Yves MULLER soulignait que « dès sa nomination comme directeur général de l’INTS en 2013, Jean Jacques LEFRERE avait mis en place une plate-forme de séquençage des acides nucléiques à haut débit permettant, à partir de données méta génomiques, de suspecter la présence d’agents transmissibles à l’existence encore insoupçonnée ». Projet soutenu par la Fédération Française des Donneurs de Sang Bénévoles qui, dès 2014, remettait le prix Arnault Tzanck à Virginie Sauvage qui poursuivait ses travaux dans le département d’étude des maladies transmissibles par le sang de l’INTS.

Le monde transfusionnel va devoir, comme tout soignant médecin ou non médecin, réfléchir aux conséquences de ces analyses génétiques. En effet, que le but soit de dépister des prédispositions aux maladies graves, ou bien d’établir un diagnostic anténatal, nous ne pourrons faire l’économie de certaines questions: d’une part l’analyse de ces génomes échappe totalement au regard et à l’évaluation des médecins ou ingénieurs, puisqu’ ils sont totalement gérés par l’ordinateur. Les résultats sortent sous forme de milliers de data totalement incontrôlables par le cerveau de l’homme. D’autre part, dans bien des domaines, nous devrons nous méfier de l’esprit d’eugénisme vers lequel nous pourrions dériver en développant ces technologies. Sur ce point, la commission d’éthique devra sans doute être vigilante et se prononcer.

L’autre sujet, toujours d’actualité, est le don de sang par des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes. Le Monde titrait dans son numéro du 30 avril 2015 « Un arrêt la cour de justice de l’union européenne incite la France à assouplir sa réglementation vis-à-vis du don du sang par les homo masculins ».

Josiane Pillonel, de l’Institut de Veille Sanitaire, y rappelait les mesures adoptées par quelques pays (Grande Bretagne, Australie, USA) comportant l’exclusion limitée à une année.

Elle rappelle, à juste titre, que les mesures moins discriminatoires incitent à plus de sincérité. Et là, bien que ce sujet soit très grave, je me permets de vous poser une simple question de mère et grand-mère : n’avez-vous pas remarqué que les enfants sont beaucoup plus sincères avec les adultes quand ces derniers leur font confiance ? Ne leur font pas de procès d’intention ? Ne les accusent pas à tort de mentir ?

Ne sommes-nous pas tous plus enclins à la sincérité lorsque nous sommes dans une relation de confiance, de reconnaissance et d’altérité ? Bien qu’ayant déjà abordé ce sujet en janvier 2015, il me semble important, et ceci quel que soit le risque envisagé, d’amener le donneur à s’auto-exclure. Nous devons alors réfléchir, non pas à construire un « nouveau questionnaire » comme le suggère la Ministre de la Santé, Madame Marisol Touraine, dans sa logique de procédure mais à élaborer un document d’information suffisamment clair et explicite qui seul peut permettre au donneur de réfléchir à sa propre situation vis-à-vis du risque qu’il fait courir à celui qu’il est venu aider. Je pense que lors du très prochain congrès national de l’Union Nationale des associations de donneurs de sang bénévoles de La Poste et d’Orange, la table ronde d’éthique animée par le Pr Olivier Garraud, permettra, une fois encore, de revenir sur ce sujet. C’est en le malaxant dans tous les sens et avec tous les acteurs de la transfusion (du donneur au receveur en passant par le non donneur, l’exclu, ...) que nous réussirons à approcher de l’attitude la plus juste pour notre société. Là encore, n’accusons pas trop rapidement l’Europe de voter des lois qui seraient mues par la seule logique comptable.

Injectons un peu d’éthique dans cette réflexion qui n’est pas que scientifique.

Dominique JAULMES

JANVIER 2015
N°08