Revue de presse 11

Revue de Presse N°11 - 2015

DANS LA PRESSE…

L’oedème du poumon (OAP) de surcharge d’origine transfusionnelle [transfusion- associated circulatory overload (TACO)] représente un effet indésirable receveur (EIR) grave à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité significatives chez les patients transfusés. Une équipe américaine s’est intéressée à l’OAP lié à la transfusion de concentrés plaquettaires et a montré une sous-estimation de cet EIR lors des transfusions de ce type de produit sanguin labile (Raval et al. Passive reporting greatly underestimates the rate of transfusion-associated circulatory overload after platelet transfusion, Vox Sanguinis 2015;108:387-392).

Les auteurs ont réalisé une étude rétrospective sur 13 ans (1er janvier 2000 au 31 décembre 2012) au sein de leur établissement de soins universitaire et une étude prospective sur une période de temps courte (30 jours, janvier 2013).

Pour l’étude rétrospective, ils ont recueilli les données relatives aux transfusions plaquettaires et aux EIR signalés au centre de transfusion sanguine. Ils ont écartés les transfusions de plaquettes pratiquées en urgence, au bloc opératoire, dans le cadre d’une transfusion massive et chez les patients de moins de 16 ans.

Pour l’étude prospective, ils ont défini précisément les conditions de la transfusion plaquettaire : critères d’exclusion identiques à l’étude rétrospective, transfusion de concentrés plaquettaires uniquement dans les six heures qui précèdent (évite l’interférence d’autres produits sanguins labiles).

Sur la période rétrospective retenue, 366 EIR liés à la transfusion de concentrés plaquettaires ont été notifiés. Seuls 6 (1,6%) ont été retenus comme OAP. En se rapportant aux 35 981 concentrés plaquettaires transfusés, la prévalence était de 1 pour 5997.

En prospectif, sur un mois, les 225 patients éligibles avaient reçu 334 concentrés plaquettaires. Un total de 5 EIR a été rapporté au cours de la surveillance active: 2 réactions allergiques, 2 réactions hypotensives non liées à la transfusion et une infection bactérienne. Aucun OAP n’a été notifié. Néanmoins, les auteurs avaient constaté que chez 2 patients, un OAP avait eu lieu, mais n’avait pas été notifié (2 sur 225 patients, 0,9%). La prévalence de l’OAP calculée sur cette période était de 1 sur 167 concentrés plaquettaires transfusés.

Dans la discussion, les auteurs notent une sous-estimation de la notification des OAP dans le cadre des transfusions de concentrés plaquettaires. Au cours de l’étude prospective avec une surveillance active lors de ces transfusions, ils montrent que la prévalence des OAP est approximativement 36 fois plus élevée que dans la période d’étude rétrospective de 13 années avec notification « passive ».

Toujours dans le cadre des EIR touchant le poumon, la question relative à l’entité dénommée « dyspnée associée à la transfusion » [ou transfusion-associated dyspnoea (TAD)] et à la réalité de son existence demeure. Des auteurs néo-zélandais ont effectué une nouvelle analyse des rapports d’hémovigilance portant ce diagnostic d’EIR (Badami et al. Transfusion-associated dyspnoea – shadow or substance ? Vox Sanguinis 2015;109:197-200). 

Les rapports comportant le diagnostic “TAD” couvrant la période allant du 1er juin 2011 au 31 mai 2013 ont été ré-analysés indépendamment par deux praticiens possédant une expérience en transfusion. Les notes relatives à ces cas ont été utilisées et une tentative de re-classification basée sur les définitions établies par l’International Society of Blood Transfusion (ISBT) et l’International Haemovigilance Network (IHN) effectuée.

Sur la période retenue, 37 notifications issues de 14 établissements hospitaliers avaient été classées TAD et concernaient 22 femmes et 15 hommes. Sur le total, 31 impliquaient un concentré de globules rouges seul. Sur 37 rapports, l’équipe chargée de la ré-analyse a considéré que 17 (45.9%) n’avaient pas de diagnostic ou que l’événement notifié était non lié à la transfusion. Dans 13 cas (35.1%), le diagnostic d’OAP a été retenu. Seuls 3 rapports (8,0%) ont conservé le diagnostic de TAD. Enfin, dans 4 cas (11,0%), l’EIR n’était pas une atteinte respiratoire.

Les auteurs soulignent que tous les rapports initiaux comportaient la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire et la pression sanguine. D’autres informations telles que la radiographie pulmonaire, le taux de BNP étaient plus rarement communiquées.

Les auteurs insistent tout particulièrement sur la mauvaise classification de ces EIR, moins de 10,0% des TAD initiaux ayant été conservés après ré-analyse. Ils mentionnent également qu’aucun TAD n’a été reclassé en Transfusion-Related Acute Lung Injury (TRALI). Ils observent par contre, l’importance de la re-classification « OAP » et établissent un lien avec la sous déclaration de cet EIR rapportée par d’autres études.

S’ils n’écartent pas le fait que la TAD puisse être une entité clinique, de meilleures informations sur le rapport de notification des EIR sont nécessaires. Elles devraient réduire la mauvaise classification des EIR avec atteinte pulmonaire.

Chez les patients drépanocytaires et transfusés, la réaction hémolytique retardée est une complication rare mais pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Une étude britannique rétrospective sur 5 années montre que cet événement est souvent mal diagnostiqué (Vidler et al. Delayed haemolytic reaction in adults with sickle cell disease: a 5-year experience. British Journal of Haematology 2015;169:746-753).

L’étude rétrospective a été réalisée sur des patients d’un seul centre. Du 1er août 2008 au 31 décembre 2013, 220 patients parmi les 637 patients adultes (âgés de plus de 16 ans) de ce centre ont eu au moins une transfusion de concentré de globules rouges. Le nombre total d’épisodes transfusionnels était de 2158 avec 10 585 unités transfusées.

Sur le plan pathologique, les 220 patients transfusés comprenaient 185 patients HbSS (84,1%), 27 HbSC (12,3%), 5 HbSβ+ thalassémiques (2,3%) et 2 HbSβ0 thalassémiques (0,9%). Un total de 23 réactions hémolytiques retardées a été observé chez 17 patients (13 femmes et 4 hommes). Elle a concerné 15 patients HbSS, un patient HbSC et un patient HbSβ0 thalassémique. L’incidence de cette complication était de 7,7% parmi les patients transfusés (17 sur 220). Les auteurs ont observé que l’intervalle moyen entre la transfusion et l’apparition de la réaction hémolytique retardée était de 10,1 jours.

Sur le plan clinique, la symptomatologie comportait de la fièvre, des douleurs et une hémoglobinurie. Plusieurs éléments intéressants ont été notés. Vingt de ces épisodes d’hémolyse retardée (87,0%) sont apparus après une transfusion en phase aiguë de la maladie: 18 transfusions lors d’une crise vaso-occlusive, une lors d’un accident vasculaire cérébral aigu, une lors d’une hémorragie de la délivrance. Au total, sur les 2158 épisodes transfusionnels, parmi les 591 liés à une admission pour une cause médicale aiguë, 20 ont comporté une réaction hémolytique retardée (3,4%) contre seulement 3 réactions hémolytiques retardées pour 1567 épisodes transfusionnels électifs (0,2%) .

Les auteurs rapportent, de plus, que l’événement n’a pas été diagnostiqué au moment de sa survenue dans 11 cas (47,8%) et que ce non diagnostic était principalement lié à une confusion avec une crise vasculo-occlusive.

Du point de vue biologique, si le taux d’hémoglobine pré-transfusionnelle était en moyenne à 73,7 g/L, il montait en moyenne à 98,3 g/L en post-transfusionnel immédiat pour retomber à un taux moyen bas, au nadir, à 54,5 g/L. Dans les 23 épisodes hémolytiques retardés, au nadir, le taux d’hémoglobine était toujours plus bas qu’en post-transfusionnel immédiat et dans 21 épisodes (91,3%), le taux d’hémoglobine au nadir était inférieur au taux d’hémoglobine pré-transfusionnel.

Le test direct à l’antiglobuline humaine a été contrôlé dans 19 cas et trouvé positif dans 15 (78,9%). L’intensité de la réaction observée lors de ce test ne corrélait pas avec la sévérité de la réaction hémolytique (appréciée par la mesure du taux des LDH), ni avec la sévérité des signes cliniques. Les auteurs relèvent que 10 des 23 épisodes comportaient l’apparition d’au moins un nouvel anticorps anti-érythrocytaire : dans 7 cas, il s’agissait d’allo-anticorps et dans 3 cas d’auto-anticorps.

Bien que rare, les auteurs estiment que cette complication est mal appréciée, notamment par son caractère clinique mimant la crise vasculo-occlusive. Enfin, celle-ci apparaît suite à la stimulation par la transfusion de concentrés de globules rouges en phase aiguë lorsque le patient se trouve dans un contexte inflammatoire.

La maladie hémolytique du foetus et du nouveau-né reste un sujet d’intérêt comme le démontre la revue publiée récemment par une équipe néerlandaise (De Haas et al. Heamolytic disease of the fetus and newborn. Vox Sanguinis 2015;109:99-113).

Outre la physiopathologie, cette revue aborde différents aspects de la thérapeutique (ante- et post-natale), le dépistage des anticorps anti-érythrocytaires et les moyens de prévention de l’allo immunisation maternelle.

Pierre MONCHARMONT

N°11
2015