Revue de presse 14

Revue de Presse N°14 - 2015

DANS LA PRESSE…

Une récente revue aborde l’état réfractaire lors de la transfusion de plaquettes, notamment la prise en charge de ce type de patients et expose les difficultés qui peuvent survenir (Stanworth et al. Platelet refractoriness – practical approaches and ongoing dilemmas in patient management. British Journal of Haematology 2015;171:297-305).

Les auteurs énumèrent les différentes causes immunologiques et non immunologiques à l’origine d’état réfractaire. Parmi les causes immunologiques, l’alloimmunisation contre les antigènes HLA de classe I est la plus fréquemment impliquée. Elle est suivie de l’alloimmunisation anti-HPA. Enfin, l’incompatibilité dans le système ABO, les auto-anticorps dirigés contre des glycoprotéines plaquettaires voire des anticorps d’origine immuno-allergique induits par des médicaments peuvent également être en cause.

Dans une seconde partie sont traités l’évaluation et le management d’un état réfractaire. Les transfusions de plaquettes reposent sur l’utilisation de plaquettes phénotypées HLA et/ou HPA et du cross-match avec le plasma du receveur testé sur les plaquettes ABO compatibles issues de cytaphérèse. Les auteurs consacrent un paragraphe sur la complexité de la gestion de ces patients que ce soit ceux avec alloimmunisation anti-HLA et/ou HPA pour lesquels des concentrés plaquettaires compatibles ne sont pas disponibles (problème des transfusions prophylactiques et des transfusions en présence de saignement) ou ceux avec une consommation de plaquettes d’origine non immune.

La recherche portant sur l’utilisation de concentrés plaquettaires compatibles HLA ou cross-matchés n’apporte pas, actuellement, de réponse claire du point de vue d’une issue clinique plus favorable que ce soit en matière de fréquence ou de gravité des saignements, de morbidité ou de mortalité.

Toujours dans le domaine de la transfusion de plaquettes, une étude canadienne vient d’analyser un effet indésirable receveur dans ce contexte : l’hypotension aiguë (Du Pont-Thibodeau et al. Incidence of hypotension and acute hypotensive transfusion reactions following platelet concentrate transfusions. Vox Sanguinis 2016;110:150-158).

Sur une période de 28 mois (1er septembre 2008, 31 janvier 2011) dans un centre hospitalo-universitaire, les résidus de concentres plaquettaires administrés aux patients ont été systématiquement transmis à la banque de sang. Sur 3672 concentrés plaquettaires transfusés, 25 avaient une réaction hypotensive notifiée lors de la transfusion du patient. Une baisse significative de la pression sanguine incluait plusieurs définitions: soit une diminution de la pression sanguine inférieure au 5ème percentile pour l’âge considéré ou une baisse de la pression systolique de plus de deux déviations standard au-dessous de la normale pour l’âge considéré durant la transfusion et jusqu’à 4 heures après la fin de la transfusion ou une chute de plus de 20 mmHg de la pression sanguine dans les mêmes conditions ou une augmentation de 10% ou plus de la dose d’un produit vasoactif pour maintenir une pression sanguine dans les valeurs normales.
Lors de l’étude des 25 notifications par un groupe d’experts dédié et après deux étapes d’analyse, seuls 5 cas d’hypotension ont été considérés comme imputables à la transfusion plaquettaire, soit une incidence de 0,14% (5 sur 3672 concentrés plaquettaires transfusés). Néanmoins, dans 4 cas, l’hypotension entrait dans le cadre d’un autre effet indésirable : 2 réactions d’anaphylaxie et 2 réactions fébriles non hémolytiques. Au final, une seule réaction hypotensive aiguë a été retenue, soit une incidence de 0,03%.

La mesure du taux de bradykinine, molécule impliquée dans la survenue d’une hypotension, a été réalisée sur 168 des 3672 concentrés de plaquettes retournés. Un taux de 10 pg/mL a été observé sur le concentré de plaquettes impliqué dans la réaction hypotensive aiguë, un taux moyen de 32,2 pg/mL dans les quatre concentrés plaquettaires avec réaction d’hypotension dans un contexte d’anaphylaxie et de réaction fébrile non hémolytique. Pour les 20 cas restants avec réaction hypotensive mais non imputables à la transfusion de plaquettes, le taux moyen était de 55,7 pg/mL. Le taux moyen de bradykinine pour les concentrés de plaquettes utilisés comme contrôle était de 226,4 pg/mL.

Les auteurs concluent que la réaction hypotensive est un effet indésirable rarement observé et imputable à une transfusion de plaquettes. De plus sur les 5 cas d’hypotension notifiés, un seul correspondait à une réaction hypotensive aiguë. Aucune corrélation entre le taux de bradykinine et cet effet indésirable n’a pu être établie dans cette étude.

Les auteurs relèvent trois limites à leur étude : pas d’accès aux données démographiques des donneurs de sang, le nombre très faible d’effets indésirables observés limitant la puissance statistique pour détecter une différence significative entre les groupes et l’absence de mesure du délai entre l’apparition de l’hypotension et l’échantillonnage des concentrés de plaquettes par la banque de sang pour détermination du taux de bradykinine.

La question relative à la définition des caractéristiques hématologiques et à la prise en charge des transfusions massives des patientes victimes d’hémorragies massives en obstétrique demeure un sujet d’actualité. Basée sur une étude de population, une équipe britannique a apporté, récemment, quelques réponses intéressantes (Green et al. The haematological features and transfusion management of women who required massive transfusion for major obstetric haemorrhage in the UK: a population based study. British Journal of Haematology 2016;172:616-624).

Sur le plan de la définition, une transfusion massive correspondait à l’administration de 8 concentrés érythrocytaires ou plus durant les 24 heures qui suivaient la délivrance. Un total de 181 patientes recrutées sur la période juillet 2012 – juin 2013 a été étudié. La quantité de médiane de sang perdu s’élevait à 6 L.

Les auteurs observent qu’initialement, la médiane de la numération plaquettaire était la plus faible chez les patientes avec placenta accreta et que, pour toutes les étiologies, la médiane du temps de prothrombine était inférieure à 1,5 fois la moyenne normale et le taux de fibrinogène inférieur à 3 g/L (inférieur à la fourchette des valeurs au terme). Durant l’hémorragie, pour toutes les étiologies sauf celle d’origine traumatique, la médiane de la numération de plaquettes chutait (inférieure à 75 G/L). Le taux médian de fibrinogène (inférieur à 2 g/L) baissait dans toutes les causes. Le nombre médian de concentrés de globules rouges transfusés était de 10, celui d’unités de plasmas frais congelés de 6 et celui de cryoprécipité de 2.

Une analyse du délai entre le début de l’hémorragie et la délivrance du premier concentré de globules rouges a été réalisée. Les patientes ont été divisées en deux groupes : un premier groupe incluait celles dont l’hémorragie a débuté sur une période allant du lundi au vendredi et entre 9 heures et 18 heures et un deuxième groupe comprenait celles dont l’hémorragie a commencé un week-end, en période de congés et entre 18h 01 et 8h 59. Le premier groupe a lui-même été subdivisé en deux sous-groupes, l’un avec prise en charge programmée (par exemple césarienne programmée), l’autre non (par exemple accouchement par voie basse et césarienne non programmée). Cette analyse montre que la médiane du délai entre début de l’hémorragie et la délivrance du premier concentré de globules rouges était plus courte chez les patientes traitées par césarienne programmée que chez les autres patientes.

Sur le plan évolutif, deux patientes sont décédées d’une embolie amniotique. Une prise en charge en unité de soins intensifs a été nécessaire pour 82% des patientes. Enfin, 45% des patientes avaient subi une hystérectomie.

La coagulopathie de la transfusion massive au cours d’une hémorragie massive obstétricale est très dépendante de la cause. Les auteurs suggèrent que plus de stratégies transfusionnelles ciblées sont nécessaires.

Pour les amateurs de science…

Le maintien de l’approvisionnement en concentrés plaquettaires pour satisfaire les besoins des patients reste un sujet d’actualité [plaquettes prélevées chez des donneurs de sang, péremption courte des concentrés plaquettaires (5 jours)]. Une nouvelle méthode de production de plaquettes ex vivo vient d’être publiée. Apportera-t-elle dans le futur une réponse à la question soulevée ? (Avanzi et al. A novel bioreactor and culture method drives high yields of platelets from stem cells. Transfusion 2016;56:170-178).

A partir de cellules CD34+ issues de sang de cordon soumises à une expansion d’un facteur 100, des mégacaryocytes ont été produits en culture (différenciation et induction de la polyploïdie) (expansion d’un facteur 100 également). Grâce à un nouveau bio-réacteur reproduisant la niche médullaire vasculaire, les mégacaryocytes fabriquent des plaquettes (expansion d’un facteur 100) morphologiquement reconnues comme telles par un automate de numération sanguine et exprimant à leur surface la P-sélectine (étude par cytométrie en flux) [(25% à l’état basal, 65% après stimulation par PMA (phorbol myristate acétate)].

Avec ce nouveau procédé de culture mis au point, une cellule CD34+ peut être à l’origine de106 plaquettes.

Pierre MONCHARMONT

N°14
2015