Revue de presse 17

Revue de Presse N°17 - 2017

DANS LA PRESSE…

Chez les patients transfusés, la mise en évidence d’un ou plusieurs facteurs favorisant l’allo-immunisation anti-érythrocytaire reste une question pleinement d’actualité. Une étude réalisée par une équipe néerlandaise montre que l’infection et l’inflammation qui l’accompagne jouent, chez l’homme, un rôle dans l’apparition de cette allo-immunisation (Evers et al. Red cell alloimmunisation in patients with different types of infections. British Journal of Haematology 2016;175 :956-966).

Partant du constat qu’une inflammation induite expérimentalement chez la souris joue un rôle majeur dans la genèse de l’allo-immunisation anti-érythrocytaire, les auteurs ont étudié l’incidence de l’allo-immunisation anti-érythrocytaire chez les patients atteints de pathologies infectieuses bactériennes ou virales et ayant reçu des concentrés de globules rouges (CGR).

Les données ont été collectées dans trois hôpitaux universitaires et trois hôpitaux référents sur une période allant du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2013. Les patients éligibles devaient avoir reçu leur première transfusion au sein d’un hôpital participant et sur la période retenue. Cette transfusion devait être précédée d’un résultat négatif prétransfusionnel et d’un résultat positif post-transfusionnel pour les anticorps antiérythrocytaires. Les CGR transfusés étaient déleucocytés et conservés jusqu’à 35 jours en SAGM.

Les critères d’exclusion définis étaient les suivants : l’allo-immunisation anti-D (anti-RH1) (impossibilité de distinguer une allo-immunisation anti-RH1 liée à une transfusion RH1 et l’administration d’immunoglobulines anti-RH1), l’allo-immunisation sans exposition à l’antigène correspondant, l’auto-immunisation, l’allo-immunisation apparue en moins de 7 jours après la première transfusion incompatible (réactivation d’un anticorps préexistant). Ont également été exclus, les patients avec une allo-immunisation diagnostiquée dans un autre hôpital, les femmes allo-immunisées par une grossesse, les patients porteurs d’hémoglobinopathies et les enfants de moins de 6 mois.

Un groupe contrôle de patients a été constitué : patients non allo-immunisés d’un hôpital et nombre de CGR reçus au moment de l’allo-immunisation. Ce groupe contrôle permet de disposer de patients dans une situation transfusionnelle similaire aux patients allo-immunisés.

Les auteurs ont considéré que la dernière transfusion incompatible sur le plan des antigènes érythrocytaires précédant le premier dépistage positif d’anticorps antiérythrocytaires était à l’origine de l’allo-immunisation. En l’absence d’existence démontrée d’incompatibilité (antigène non testé), la dernière transfusion d’au moins 7 jours a été retenue comme responsable. Enfin, une période de « risque d’allo-immunisation » a été établie : 30 jours avant et jusqu’à 7 jours après la transfusion impliquée. Cette période a également été appliquée au groupe contrôle. Le contexte clinique durant cette période a été recherché pour les patients allo-immunisés et les patients contrôles [dates d’infection, micro-organismes en cause, dates d’hyperthermie (> ou égale à 38°5 C), numération des leucocytes, taux de C réactive protéine (CRP)]. Les infections bactériennes ont été réparties en infections tissulaires modérées et sévères (degré d’inflammation associé) et en bactériémies à germes Gram+ et Gram -. Les infections virales ont été établies sur la base d’un résultat de PCR positif et, en l’absence de PCR, sur la clinique. Les virémies et les infections type zona disséminé ont été classées « disséminées » par opposition aux infections virales « locales ».

Sur 54347 patients nouvellement transfusés, 24063 ont été considérés comme éligibles. Au sein de ces patients, 505 (2,1%) ont acquis des anticorps anti-érythrocytaires. Parmi ceux, 37 avaient reçu des unités pour lesquelles l’antigène érythrocytaire n’était pas connu. A ces 505 patients ont été associés 1010 patients contrôles matchés.

Sur l’ensemble des patients allo-immunisés et contrôles, 473 ont eu une infection diagnostiquée sur la période à risque : 417 infections bactériennes, 53 virales et 56 fungiques.

Les infections bactériennes tissulaires sévères augmentaient le risque d’alloimmunisation anti-érythrocytaire [risque relatif (RR) ajusté à 1,34]. Ce RR était majoré en cas de fièvre longue durée (RR ajusté à 3,06 avec fièvre d’une durée d’au moins 7 jours).

Les patients avec une bactériémie à germes Gram- avaient un RR ajusté plus faible d’allo-immunisation (0,58) tandis que les bactériémies à germes Gram+ n’étaient pas associées à une allo-immunisation.

Les infections virales disséminées étaient associées à une augmentation du risque d’alloimmunisation (RR ajusté à 2,41). La présence de fièvre n’influençait pas le RR.

Les infections bactériennes non sévères, les bactériémies à germe Gram+, les infections fungiques, les valeurs maximales de C réactive protéine et la leucocytose n’étaient pas associées à l’alloimmunisation anti-érythrocytaire.

Les auteurs notent que leurs résultats sont en accord avec ceux observés dans les modèles murins.

Les conditions de l’infection et, en particulier le type et l’intensité de celle-ci, ainsi que la réponse inflammatoire du patient sont des facteurs qui jouent un rôle dans l’apparition de l’alloimmunisation. L’existence d’une fièvre de longue durée avec une infection bactérienne sévère la favorise. La présence d’une infection virale systémique accroît le risque d’alloimmunisation. Par contre, le risque est divisé par deux lors d’une bactériémie à germe Gram-. A l’inverse, il n’y pas d’association entre alloimmunisation et bactériémie à germe Gram+.

En conclusion, l’inflammation associée à une infection présente un risque du point de vue de l’alloimmunisation anti-érythrocytaire chez les patients transfusés.

La Haute autorité de santé a publié en octobre 2015 ses nouvelles recommandations pour la transfusion de plaquettes. Dans ce domaine, les alternatives à la transfusion plaquettaire sont, à la différence des transfusions de globules rouges, moins souvent abordées. En pratique courante, les transfusions de plaquettes continuent de présenter des difficultés notamment du point de vue de la transfusion prophylactique versus la transfusion curative, la définition des seuils et la disponibilité de ce produit avec sa péremption courte. Une excellente et récente revue réalise un point actuel sur les alternatives à la transfusion plaquettaire (Desborough et al. Alternatives to allogeneic platelet transfusion. British Journal of Haematology 2016, 175 :381-392).

Partant du constat récent suggérant que les transfusions de plaquettes auraient une efficacité limitée et que des risques associés sont présents (immuno-modulation, infection bactérienne et virale), les auteurs rappellent pourquoi il existe un besoin de solutions alternatives à la transfusion de plaquettes. Les arguments avancés sont multiples :

- Les essais randomisés récents posent la question fondamentale de la réduction du saignement par les transfusions de plaquettes chez les patients thrombopéniques atteints d’hémopathies malignes et mettent en avant l’importance d’autres facteurs que les plaquettes pour diminuer le risque de saignement.

- Dans le cadre des hémopathies malignes, un taux élevé de saignement peut être observé en dépit de politiques de transfusions plaquettaires prophylactiques.

- La délivrance des plaquettes nécessite de tenir compte de la compatibilité et de la disponibilité du produit. 

- Il existe un relatif manque de standardisation entre les unités de plaquettes (variabilité de la réactivité selon les donneurs, différences fonctionnelles après le stockage).

- Le temps moyen d’administration des plaquettes a été rapporté à 2 – 3 heures.

Les solutions alternatives présentent plusieurs points d’intérêt : rapidité d’administration, traitement des patients présentant un état réfractaire, patients refusant les transfusions, transmission de maladies infectieuses et coûts plus faibles, ces deux derniers points intéressant plus particulièrement les pays émergents.

Les auteurs déclinent les différentes alternatives en partant de la plus simple : ne pas transfuser ! Avec les deux stratégies transfusion prophylactiques / transfusion à la demande. La correction des effets des antiagrégants plaquettaires est recommandée dans certains guides mais des questions demeurent sur sa pertinence. Les agonistes de la thrombopoîétine posent plusieurs problèmes : les anticorps anti-thrombopoîétine, le risque de progression chez les patients atteints de leucémie myéloide aiguë (pas de preuve établie), le coût, le risque de thrombose. Pour les antifibrinolytiques (acide tranéxamique et acide epsilon caproïque), peu de données sont disponibles sur un rôle préventif de l’hémorragie chez les patients thrombopéniques. Mais trois essais sont en cours.

Traiter l’anémie comme moyen de prévention du saignement. Les résultats demeurent discordants. Pour le DDAVP, les études montrent une réduction du saignement mais pêchent par le défaut de groupes contrôles.

De nombreuses autres alternatives sont évoquées : cibler le fibrinogène (le facteur VIIa recombinant, le fibrinogène concentré, le cryoprécipité, le facteur XIII recombinant), modifier les méthodes de stockage des plaquettes (plaquettes réfrigérées, congelées, lyophilisées).

L’utilisation de plaquettes artificielles est abordée sous l’angle des particules hémostatiques, des liposomes, des nanoparticules, des membranes plaquettaires injectables de même que la production de plaquettes in vitro pour la création de plaquettes HLA compatibles ou sans antigène HLA. La détection et le traitement des autres facteurs favorisant ou responsables de la thrombopénie demeurent fondamentaux.

Les solutions alternatives à la transfusion plaquettaire sont nombreuses mais doivent être mieux comprises pour permettre une utilisation future en pratique. La meilleure alternative reste de ne pas transfuser de plaquettes en prophylactique chez les patients avec hémopathies si le taux de plaquettes est supérieur à 10x109 /L ou avant un acte à faible risque de saignement.

Pierre MONCHARMONT

N°17
2017