Revue de presse 2

Revue de Presse N°02 - 2013

DANS LA PRESSE…

L'évolution des critères de sélection des donneurs d'un coté et l'augmentation des besoins en produits sanguins labiles liée notamment au vieillissement de la population de l'autre ont provoqué dans certain pays une précarité croissante en matière d'approvisionnement en produits sanguins. Comprendre l'évolution passée des conditions d'utilisation des produits sanguins permet de prédire la demande future et constitue une aide pour la planification des services dédiés à la transfusion. Une équipe britannique vient d'analyser l'évolution de l'utilisation des concentrés érythrocytaires sur deux périodes de 14 jours et ont comparé les résultats obtenus à ceux recueillis lors de deux études antérieures avec méthodologie identique couvrant une période de 10 ans (Tinegate et al. Ten-year pattern of red blood dell use in the North of England. Transfusion 2013;53:483-489.) L'étude a été pratiquée dans un centre régional de transfusion et 18 établissements hospitaliers de son ressort. En mai 2009 et octobre 2009, 8840 et 9110 concentrés érythrocytaires ont été délivrés par ce centre aux hôpitaux participants. Sur les 28 jours retenus pour l'étude (2 x 14 jours), les données complètes ont été obtenues pour 8025 concentrés érythrocytaires.

L'âge moyen des patients était de 63,2 ans et le ratio homme/femme, quelque soit l'âge, était de 1 : 1,04. En 2000 et 2004, les âges moyens étaient de 62,7 et 63,7 ans respectivement. L'utilisation a baissé de 20 % de 1999 à 2009 et cette chute est liée uniquement à un changement d‘utilisation en chirurgie. Le taux de transfusion de concentrés érythrocytaire est ainsi passé de 45,5 unités pour 1000 en 1999-2000 à 36 unités pour 1000 en 2009. Le taux de l'ensemble des produits transfusés en chirurgie a diminué de manière importante passant de 41,0% en 1999-2000 à 29,4% en 2009. La réduction des indications reste limitée aux patients de chirurgie appartenant à la tranche d'âge 50-80 ans. Les indications en médecine et en obstétrique / gynécologie ne se sont pas significativement modifiées sur les 10 ans.

Les auteurs soulignent que la population couverte par l'étude est restée stable et que la région est globalement autosuffisante en matière médicale et chirurgicale (sauf pour les transplantations hépatiques pédiatriques adressées sur une autre région.) Ils signalent par ailleurs, que dans leur population, un petit nombre seulement de patients est transfusé pour une hémoglobinopathie ou une thalassémie.

Dans une longue discussion, les auteurs apportent des éléments pouvant expliquer l'évolution observée : changement des procédures habituelles, réduction de l'utilisation des CEC en chirurgie cardiaque, augmentation des interventions de prothèses de hanche et de genou, mais réduction d'utilisation de produits sanguins, …

Un éditorial consacré à cet article a été publié dans le même numéro de la revue (Taylor MJ and Yomtovian R. Optimizing red blood cell transfusion therapy in the 21st century: the power of data analysis for past understanding and future guidance. Transfusion 2013;53 :470-475.)

Une série de trois articles portant sur la transfusion vient d'être publiée dans la revue « The Lancet » (Goonough LT and Murphy MF. Concepts of blood transfusion in adults. The Lancet 2013;381:1845-1854 / Spahn DR and Goodnough LT. Alternatives to blood transfusion. The Lancet 2013;381:1855-1865 / Wiiliamson LM and Decine DV. Challenges in the management of the blood supply. The Lancet 2013;381:1866-1875).

Le premier article porte sur la transfusion chez l'adulte. Les auteurs constatent que de meilleures pratiques ont été identifiées et introduites dans ce domaine. Cependant, ils observent que des variations substantielles persistent en matière de résultats de la transfusion chez les patients. Cette variabilité pourrait être liée à une compréhension insuffisante de recommandations publiées. Ils abordent notamment la question du seuil du taux d'hémoglobine conduisant à la décision de transfuser du point de vue de sa valeur mais également de sa pertinence même (tolérance des taux bas inférieurs au seuil par exemple). Des études ont montré qu'une stratégie transfusionnelle « restrictive » peut avoir pour impact une diminution de la mortalité et des taux de récidive hémorragique chez les patients par rapport à ceux bénéficiant d'une stratégie « libérale ». L'introduction de nouvelles pratiques permet également de réduire le recours à la transfusion. En matière de transfusion plaquettaire, des questions relatives à leur utilisation prophylactique sont posées : dose optimale permettant de prévenir une hémorragie ? Quel seuil définir pour décider la transfusion ? L'utilisation prophylactique est-elle meilleure que l'utilisation curative en matière de prévention de saignements liés à une thrombopénie ? De même pour le plasma et son efficacité. Dans un dernier chapitre est abordé le cas particulier des patients traumatisés et de l'emploi des produits sanguins labiles lors d'hémorragie massive (prise en charge thérapeutique de la coagulopathie associée). Les auteurs concluent que les résultats de la transfusion doivent être intégrés comme indicateurs dans les recommandations et que de nombreuses incertitudes persistent en matière d'identification et d'application des pratiques transfusionnelles. Le présumé bénéfice des transfusions doit être remis en question au regard des nouveaux essais cliniques (pratiques restrictives équivalentes ou meilleures que les pratiques libérales).

Le second porte sur les thérapeutiques alternatives utilisables dans le domaine transfusionnel mis en parallèle avec une diminution de l'utilisation des produits sanguins labiles en raison de leur coût et d'une issue clinique défavorable. Les thèmes de la prise en charge pré-opératoire des patients en milieu chirurgical, de la gestion de l'anémie par perte sanguine (transfusion autologue péri-opératoire, chirurgie cardiaque, traumatisme, …),…et de l'anémie d'origine médicale sont développés.

Le dernier aborde la question du management de l'approvisionnement en produits sanguins notamment en raison du vieillissement de la population des les pays développés : approches nouvelles en matière de recrutement et de fidélisation des futures générations de donneurs, collecte des quantités nécessaires, approche intégrée de la gestion des stocks,…

Apprécier la production de plaquettes en mesurant le taux et le nombre absolu de plaquettes immatures circulantes est important pour évaluer la prise d'une greffe ou la récupération après une chimiothérapie lourde. La détection de plaquettes immatures est maintenant possible sur automate d'hématologie en utilisant un 3 fluorochrome se liant à l'ARN présent dans ces cellules (sur le modèle des réticulocytes pour les globules rouges). Des auteurs ont évalué si la transfusion plaquettaire avait un impact sur les taux et nombre absolu de plaquettes immatures circulantes, situation pouvant induire un défaut d'interprétation de la production médullaire (Bat et al. Measurement of the absolute immature platelet number reflects marrow production and is not impacted by platelet transfusion. Transfusion 2013;53:1201-1204).

Les auteurs ont mesuré le taux de plaquettes immatures et déterminé le nombre absolu de plaquettes immatures circulantes chez 9 patients avec thrombopénie sévère d'origine centrale et transfusion dépendants pour les plaquettes (5 avec aplasie médullaire sévère, 4 avec chimiothérapie de conditionnement pré-greffe à haute dose). Les produits plaquettaires transfusés étaient des concentrés de plaquettes d'aphérèse déleucocytés. Le nombre absolu de plaquettes immatures a été déterminé en pré- (24 heures ou moins avant la transfusion) et en posttransfusionnel (entre 15 et 60 minutes après la transfusion et un jour après). Les auteurs observent que le nombre absolu de plaquettes immatures circulantes ne varie pas significativement après une transfusion de plaquettes mais que, par contre, le taux de plaquettes immatures circulantes décroît immédiatement après transfusion (2,3 1,4% à J0 versus 6,6 4,6% avant la transfusion) pour revenir à un taux moyen de 4,3 2,3% à J1.

Les auteurs se sont interrogés sur la variation de taux relevée et ont testés, pour les mêmes paramètres, des concentrés de plaquettes d'aphérèse stockés pendant 5 jours. Ils ont observés une augmentation modérée mais significative de ces deux paramètres lors du stockage (Nombre absolu de plaquettes circulantes à 26,6 x 109 10,0 x 109 / L à J5 contre 17,9 x 109 7,0 x 109 / L à J0 ; taux de plaquettes immatures circulantes à 2,1 0,8% à J5 contre 1,3 0,5 à J0). Les chiffres sont similaires après irradiation à 24 Grays le jour de la collecte et stockage sur 5 jours.

L'augmentation du taux et du nombre absolu de plaquettes immatures lors du stockage de concentrés de plaquettes d'aphérèse est probablement un artéfact de coloration de cellules détériorées. Le fait que le nombre absolu de plaquettes immatures circulantes ne monte pas chez les receveurs après transfusion conduit à considérer que les plaquettes marquées dans les concentrés plaquettaires sont des cellules non fonctionnelles. Cependant, la non augmentation de cette valeur absolue peut aussi être liée à la dilution des plaquettes transfusées.

Les auteurs concluent que le nombre absolu de plaquettes immatures circulantes n'est pas impacté par la transfusion de plaquettes et représente un marqueur reflétant la production médullaire de plaquettes.

Dans le cadre de la thrombopénie fœtale et néonatale (TFNN) alloimmune et au sein de la population caucasoïde, les alloanticorps anti-plaquettes de spécificité anti-HPA- 1a sont le plus fréquemment en cause. Néanmoins, lors de la recherche d'anticorps anti-plaquettes réalisée pour suspicion de TFNN, un résultat négatif peut être observé chez les patientes testées pour suspicion de TFNN. Une équipe américaine vient d'apporter des éléments intéressants confirmant l'existence d'anticorps antiplaquettes anti-HPA-1a de faible avidité et leur rôle dans cette pathologie (Peterson 4 et al. Prevalence and clinical significance of low-avidity HPA-1a antibodies in women exposed to HPA-1a during pregnancy. Transfusion 2013;53:1309-1318).

Sur un total de 3478 cas suspects de TFNN analysés, 677 patientes HPA-1a négatif ont été trouvées. En utilisant les techniques sérologiques conventionnelles, des anticorps anti-HPA-1a ont été détectés dans 616 cas (91,0%). Les sérums des 61 patientes HPA-1a négatif ont été évalués par le technique de résonance des plasmons de surface. Dix huit sera (9%) contenaient des anticorps anti-HPA-1a de faible avidité. Dans 13 des 18 cas, des informations cliniques de suivi ont pu être obtenues. Dans 8 cas, une suspicion de TFNN motivait la recherche des anticorps anti-plaquettes. Pour les 5 cas restants, le motif de la recherche était l'existence d'une sœur de la mère ayant donné antérieurement naissance à un enfant avec diagnostic de TFNN. Seuls 6 enfants nés de ces treize patientes avaient une thrombopénie cliniquement significative à la naissance. Cinq présentaient des pétéchies cutanées et ou muqueuses. Aucun n'avait d'hémorragie autre.

En utilisant des souris NOD/SCID, les auteurs ont montré que les anticorps antiHPA-1a de faible avidité accélèrent la destruction de plaquettes humaines HPA-1a, cette destruction étant plus rapide après injection intra veineuse qu'intra-péritonéale.

Enfin, si plus de 90 % des patientes HPA-1a négatif produisant des anticorps antiHPA1a sont HLA DRB3*0101 (DR52a), seules 3 des 12 patientes avec anticorps de faible avidité testées l'étaient (25 %).

Cette étude confirme que des anticorps anti-plaquettes anti-HPA-1a de faible avidité peuvent provoquer des TFNN. Au sein des patientes HPA-1a négatif incompatibles avec leur fœtus, l'absence de l'antigène HLADRB3*0101 pourrait prédisposer à la production d'anticorps anti-HPA-1a de faible avidité.

Pierre MONCHARMONT

N°02
2013