Revue de presse 23

Revue de Presse N°23 - 2018

DANS LA PRESSE…

 

Les mécanismes d’immunomodulation liés à la transfusion de globules rouges

 

Les mécanismes de l’immunomodulation induite par la transfusion de concentrés de globules rouges sont nombreux et demeurent, en pratique clinique, difficiles à individualiser et à maîtriser. Des auteurs américains ont rédigé une revue sur ce sujet et tenter de réaliser un point sur les différents mécanismes responsables (Remy et al. Mechanisms of red blood cell transfusion-related immunomodulation. Transfusion 2018;58:804-815).

 

Si la description des effets immunomodulateurs de la transfusion de globules rouges est ancienne (avec Opelz en 1973 dans le cadre de la transplantation rénale), des études réalisées ultérieurement ont montré que ces transfusions provoquaient des effets inflammatoires et immunosuppresseurs à l’origine de dysfonctions d’organes, d’infections nosocomiales et de récidive cancéreuse. L’apparition de telles complications suggérait l’existence de dérégulations des réponses immunitaires chez le receveur. Deux grandes catégories d’effets ont été établies avec d’un côté les effets inflammatoires et de l’autres les effets immunosuppresseurs. L’association de ces deux types d’effets reste possible chez les receveurs. Ces effets et leur association sont d’autant plus importants chez les patients en situation critique qu’ils sont à l’origine d’issue défavorable.

 

Les auteurs ont, dans un premier temps, analysé les effets liés aux leucocytes et aux médiateurs dérivés de ceux-ci. Ils évoquent l’intérêt de la déleucocytation dans leur réduction chez les receveurs. Les leucocytes sont à l’origine d’alloimmunisation, d’immunosuppression, de tolérance immune (présence d’un microchimérisme chez les patients transfusés avec des produits allogéniques). Les leucocytes soumis à l’apoptose peuvent également provoquer une immunosuppression.

 

Si les cellules elles-mêmes sont impliquées, les médiateurs solubles dérivés le sont également (cytokines pro-inflammatoires, produits de la dégranulation leucocytaire,...).

 

Les lésions érythrocytaires induites par le stockage jouent également un rôle. Ces lésions sont multiples : changements morphologiques, rhéologiques, métaboliques,…L’hémolyse entre aussi en jeu : réduction du pH, augmentation du lactate,… Le rôle de l’hémoglobine libre, de l’hème, du fer,…

 

La transfusion de globules rouges impacte également le système phagocytaire mononucléé en stimulant les réactions inflammatoires (en particulier par le relargage de cytokines). Des réactions immunosuppressives sont de même provoquées. Le cumul de ces deux catégories de facteurs compromet la phagocytose et l’action anti-microbienne des macrophages. L’implication de l’ubiquitine extra cellulaire tant dans l’activité pro-inflammatoire qu’immunosuppressive est évoquée.

 

Les auteurs soulignent que si les effets délétères sur la survie et d’augmentation de l’inflammation provoqués par les transfusions de concentrés de globules rouges stockés longtemps sont montrés chez l’animal, leur démonstration chez l’homme n’est pas réalisée dans les études contrôle randomisées récentes.

Les plaquettes résiduelles contenues dans les concentrés de globules rouges et leurs produits dérivés sont, de même, responsables de phénomènes immunomodulateurs, qu’ils soient stimulants ou inhibiteurs.

 

Les auteurs abordent le rôle des lipides bioactifs [activités pro-inflammatoire et pro-coagulante à l’origine de l’œdème pulmonaire lésionnel (Transfusion related acute lung injury (TRALI)] et des vésicules extra-cellulaires avec leurs effets immunomodulateurs mis en évidence in vitro et in vivo. Pour ces derniers, si la demi-vie dans la circulation de ces vésicules est courte (moins de 15 à 20 minutes chez le rat), elles sont néanmoins captées dans différents organes (rate, foie, reins et poumons chez la souris). Les vésicules issues de cellules dendritiques de donneur sont captées par les cellules dendritiques d’une souris receveuse et activent la réponse des lymphocytes T antigène spécifique. D’autres actions existent.

 

Enfin, les auteurs évoquent les directions futures à suivre dans ce domaine. Si les mécanismes mis en avant sont nombreux, la preuve clinique concluante de ces effets chez les patients transfusés demeure floue. Ils soulèvent la question de la concentration des médiateurs immunomodulateurs potentiels qui varie non seulement en fonction de la durée du stockage mais également de caractéristiques du donneur, du producteur, de la solution de stockage et d’autres facteurs du processus de fabrication. Les effets immunomodulateurs sont également conditionnés par le receveur et l’état de sa réponse immunitaire au moment de la transfusion. De plus, les patients transfusés peuvent recevoir différents types de produits dont chacun a des effets immunomodulateurs différents et qui peuvent s’ajouter.

 

La connaissance et la compréhension de ces mécanismes immunomodulateurs, leur définition dans le contexte de la fonction immune de l’hôte sont indispensables pour établir les facteurs de risque spécifiques du patient à des effets immunomodulateurs spécifiques et aux conséquences cliniques liées.

 

Age des concentrés plaquettaires et délai pour la transfusion plaquettaire suivante

 

La question relative à l’âge des concentrés de plaquettes (CP) et à son impact sur leur efficacité clinique demeure récurrente. Sur un plan général, il a été établi que la plus la durée de stockage était longue, plus le risque d’une évolution clinique moins satisfaisante était important. Une équipe néerlandaise vient de publier une étude montrant que le délai d’une transfusion plaquettaire suivant une transfusion plaquettaire antérieure était plus court avec des CP issus de buffy coat âgés. Cette observation n’était pas vérifiée pour les concentrés de plaquettes d’aphérèse (CPA). (Caram-Deelder et al. Age of platelet concentrates and time to the next transfusion. Transfusion 2018;58:121-131).

 

L’étude a été réalisée chez des patients d’hémato-oncologie thrombocytopéniques transfusion dépendant recevant des CP stockés jusqu’à 7 jours pris en charge dans 10 grands hôpitaux néerlandais.

 

Les auteurs ont collecté les données en vue d’analyse à partir de deux data bases nationales : la première incluant les six centres ayant participés à l’étude « Risk Factors for Alloimmunisation after red blood Cell Transfusion (R-FACT) », la seconde les 7 centres participant au « Dutch transfusion data (DTD) warehouse project ». Ces deux data bases possédaient des informations similaires concernant les patients et les transfusions. La seconde disposait de données supplémentaires comprenant l’admission du patient et sa pathologie.

 

L’intervalle entre deux transfusions utilisé repose sur la capacité de récupération et de survie des plaquettes après transfusion. L’influence de la durée de stockage ne peut être estimée correctement que par ce moyen. L’intervalle entre deux transfusions de plaquettes était d’au moins deux jours. Un intervalle inférieur témoignait probablement d’une transfusion de plaquettes inefficace ou d’une consommation augmentée ou de saignement chez le patient. Les transfusions avec un intervalle de 7 jours ou plus ont également été exclues (protocole hebdomadaire établi indépendamment du taux de plaquettes chez des patients traités en hôpital de jour, production endogène de plaquettes effective, les plaquettes transfusées ne circulant probablement plus après un intervalle si long).

 

Les produits plaquettaires étaient de deux types, CPA et mélange de CP (MCP). Les MCP comportaient 5 couches leuco-plaquettaires suspendues en plasma ou en solution PAS. Les MCP conservés en PAS-B avaient une péremption de 5 jours, les MCP en solution PAS-C, de 7 jours. Les plaquettes de CPA étaient conservées en plasma avec une péremption de 7 jours. Au total, les auteurs ont étudié de nombreux types de produits : CPA en plasma, CPA en plasma hyper concentrés, MCP en PAS-B, MCP en PAS-C, MCP en plasma, MCP en plasma hyper concentrés. La compatibilité ABO et RH1 a également été considérée sous la forme de deux catégories de variables indépendantes.

 

Chaque CP a été classé en fonction de sa durée de stockage au moment de sa transfusion : frais jusqu’à 3 jours de stockage, intermédiaire entre 4 ou 5 jours de stockage, âgé entre 6 ou 7 jours de stockage.

 

L’utilisation combinée des deux data bases a permis d’inclure 29 761 patients qui avaient reçu 140 896 transfusions plaquettaires entre mars 2004 et janvier 2016. Les auteurs ont sélectionné au final 4441 patients ayant reçu 12 724 transfusions plaquettaires réparties en 5 983 épisodes transfusionnels avec une moyenne de 3 transfusions par épisode. Dans la population de patients, 80% étaient des adultes (âge médian 56 ans) et 60% des hommes.

 

Les plaquettes de MCP étaient majoritaires (78% de MCP en plasma, 10% de MCP en PAS) par rapport au CPA. La répartition des CP selon la durée de stockage était la suivante : 3649 CP frais (29%), 5438 CP intermédiaires (43%) et 3637 âgés (29%).

 

Comparés aux CP frais, les CP intermédiaire avaient un délai pour la transfusion suivante raccourci de 3,5 heures pour les MCP en plasma, 3,7 heures pour les MCP en plasma hyper concentrés, 0,1 heure pour les MCP conservés en PAS-C, 7,7 heures pour les MCP conservés en PAS-B, 4,7 heures pour les CPA en plasma. Aucun raccourcissement du délai n’était observé pour les CPA en plasma hyper concentrés. De même, comparés aux CP frais, les CP âgés présentaient un délai raccourci de 6,2 heures pour les CP en plasma, 3,9 heures pour les CP conservés en PAS-C et de seulement 1,8 heures pour les CPA en plasma.

 

Le délai de la transfusion plaquettaire suivante était raccourci de 0,1 à 7,7 heures pour les MCP indépendamment du type de solution de conservation. Ce phénomène n’était pas observé avec les CPA. La réduction de délai était d’un quart de jour entre les MCP stockés jusqu’à 3 jours par rapport aux MCP stockés 6 à 7 jours, ce qui représente une moyenne de 0,25 transfusion par patient hospitalisé. Le fait que le délai d’une transfusion plaquettaire suivante soit accru avec des CP frais a des implications cliniques positives similaires à moins de transfusions du point de vue des effets indésirables receveur. Par contre, la transfusion de CP frais a aussi une conséquence importante sur la péremption et destruction de produits. Le passage d’une péremption de 5 jours à 7 jours au Pays Bas a réduit la péremption de 20% à 10%, ce qui correspond à la préservation de 5 900 CP par an. La non observation de réduction de délai avec les CPA pourrait être le résultat des indications spécifiques des CPA prescrits au Pays Bas.

 

Les forces de cette étude sont la taille de la cohorte et l’utilisation d’un algorithme validé pour la sélection des patients.

 

Les limites sont la non disposition d’information sur la numération plaquettaire de base, ni de l’heure du jour où le don a été effectuée et la transfusion réalisée. Une des autres limites est représentée par l’absence de diagnostic dans l’une des bases de données.

 

Les patients porteurs d’hémopathies et le risque de maladies infectieuses transmises par transfusion

 

Les patients porteurs de pathologies hématologiques représentent une part importante des patients transfusés. De plus, nombre d’entre eux sont concernés par des protocoles de transfusion au long cours. L’ensemble de ces observations les exposent de manière plus importante au risque de contracter une infection transmise par transfusion. Une revue de Ainley et Hewitt vient de réaliser un point détaillé sur ce sujet (Ainley L I and Hewitt P E. Haematology patients and the risk of transfusion transmitted infection. British Journal of Haematology 2018;180:473-483). Toutes les catégories d’agents infectieux transmissibles sont abordées. Un paragraphe est notamment consacré aux agents viraux émergents et un autre au virus West Nile. La situation portant sur l’agent de l’encéphalopathie spongiforme bovine est largement développée.

 

Pierre MONCHARMONT

N°23
2018