Revue de presse 24

Revue de Presse N°24 - 2018

DANS LA PRESSE…

 

 

Prise en charge de l’alloimmunisation anti-érythrocytaire maternelle sévère en cours de grossesse par des thérapeutiques combinées

 

Le suivi et la prise en charge thérapeutique des cas sévères de maladie hémolytique fœtale et néo-natale peuvent être, en pratique, délicats, tant du point de vue des thérapeutiques à appliquer, de leur combinaison et de leur efficacité. En particulier, la répétition de certains actes tels que les transfusions / exsanguino-transfusions in utero s’accompagnent d’un risque de morbidité et de mortalité fœtales accru. Une étude américaine rapporte une expérience de ce type de prise en charge chez cinq patientes. Le schéma thérapeutique se décompose en deux périodes, une période précoce comportant des échanges plasmatiques et l’administration d’immunoglobulines intraveineuses et une période tardive incluant des transfusions in utero (Nwogu et al. Successful management of severe red blood cell alloimmunization in pregnancy with a combination of therapeutic plasma exchange, intravenous immune globulin, and intrauterine transfusion. Transfusion 2018,58: 677-684).

 

Les auteurs ont inclus dans cette petite série, cinq patientes âgées de 28 à 34 ans dont la prise en charge au cours de leur dernière grossesse a été débutée entre la 10ème et 13ème semaine de gestation. La combinaison thérapeutique comportait, en phase précoce, un volet immunomodulateur incluant des échanges plasmatiques (3 séances) visant à réduire le taux des allo-anticorps anti-érythrocytaires maternels, suivi de l’administration intraveineuse d’immunoglobulines humaines (IgIV) (dose de charge puis perfusion hebdomadaire). En phase plus tardive, suite à la mesure répétée de la vélocimétrie au niveau de l’artère cérébrale médiane fœtale (initiée à la 16ème semaine de gestation) permettant la détection d’une anémie fœtale, une série de transfusion in utero a été initialisée (au-delà de la 20ème semaine de gestation).

 

Une alloimmunisation anti-RH1 était en cause chez quatre patientes, anti-KEL1 chez deux et une alloimmunisation associant deux spécificités anti-RH1 et anti-KEL1 chez une. Les titres d’anticorps anti-RH1 avant initialisation des échanges plasmatiques allaient de 128 à 4096 et pour l’anti-KEL1, étaient de 512 et 1024. Une réduction d’un facteur 2 à 4 du titre des anticorps a été obtenue avec les échanges plasmatiques. D’autres allo-anticorps étaient associés : un anti-RH2 chez trois patientes et un anti-JK1 chez une. Aucune patiente n’a développé un nouvel allo-anticorps anti-érythrocytaire. Cependant, un nouvel anticorps non spécifique de nature IgG a été détecté chez une patiente, probablement en rapport avec le traitement par IgIV. L’indication la plus précoce de transfusion in utero a été posée à la 21ème semaine de grossesse. Une des patientes n’a pas requis de transfusion in utero avant la 27ème semaine de gestation. L’hématocrite fœtal moyen, avant la première transfusion in utero, était à 18,1% (de 14,1% à 26,8%). Le nombre moyen de transfusion in utero était de 5,6 (fourchette de 4 à 7). Des concentrés érythrocytaires déleucocytés, matchés, irradiés et CMV – ou indemne de CMV avec un hématocrite compris entre 75 et 78% ont été employés. Les CGR étaient matchés avec les groupes sanguins des systèmes RH (antigènes RH1, RH2 et RH3), KEL, JK et MNS (MNS3) de la mère. Les cinq patientes ont donné naissance à un enfant vivant d’âge gestationnel compris entre 33 et 38 semaines. Un des enfants a reçu une transfusion de globules rouges au deuxième jour de vie. Un autre enfant a bénéficié d’une photothérapie pour hyperbilirubinémie.

 

Les auteurs notent que le mécanisme exact expliquant l’efficacité de la thérapeutique combinant échanges plasmatiques et administration d’IgIV reste peu clair (compétition des IGIV avec les allo-anticorps anti-érythrocytaires maternels ?). En raison du risque de perte fœtale liée aux transfusions in utero avant la 20ème semaine de gestation, l’utilisation de la combinaison thérapeutique en phase précoce facilite la survie fœtale, retardant le début de la maladie hémolytique, la collecte d’échantillon de sang fœtal pour groupage sanguin et l’administration des transfusions in utero.

 

Si la petite taille de la série constitue une limite, les données obtenues confirment qu’une issue favorable chez ces patientes est obtenue grâce à l’association de cette trithérapie mise en œuvre à des périodes précises durant la grossesse.

 

Prévention de l’œdème aigu du poumon de surcharge par transfusion et prescription de diurétiques

 

L’œdème aigu du poumon de surcharge [ou transfusion-associated circulatory overload (TACO)] représente aujourd’hui, en France, la cause principale de décès liée à la transfusion. Les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) portant sur la transfusion des globules rouges (novembre 2014) et de plaquettes (octobre 2015) devraient permettre de réduire l’apparition de cet effet indésirable receveur (EIR) dans les années à venir. Toutefois, la prévention de cet EIR demeure nécessaire. L’utilisation de diurétiques dans ce contexte reste sujette à de nombreuses interrogations. Une étude rétrospective canadienne essaie d’y répondre (Lin et al. Transfusion-associated circulatory overload prevention: a retrospective observational study of diuretic use. Vox Sanguinis 2018;113:386-392).

 

Une étude rétrospective de type « audit » comportant 200 patients hospitalisés dans quatre établissements de soins universitaires a été réalisée. Cinquante prescriptions transfusionnelles successives par établissement ont été étudiées, en débutant le 1er juillet 2016. Pour chaque patient, seule la première prescription a été retenue. Les prescriptions comportant plus de deux unités ont été exclues. Les données collectées incluaient des données démographiques et des facteurs de risque (âge, sexe, diagnostic à l’entrée, comorbidités, antécédent d’insuffisance cardiaque, de dysfonction ventriculaire gauche systolique ou diastolique, de dysfonction rénale, les produits sanguins transfusés dans les 24 heures précédentes, le bilan hydrique si disponible). Ont été également ajoutés, la spécialité clinique concernée, l’indication de la transfusion, le nombre de produits sanguins, le débit de perfusion, la prescription de furosémide, la dose, le moment et la voie d’administration de ce produit. En ce qui concerne l’usage de diurétiques, les auteurs ont affiné leur démarche en recherchant si le patient recevait déjà un diurétique avant son admission et si oui, si le produit avait été arrêté 48 heures avant la transfusion index.

Le moment de l’administration du furosémide lors de l’épisode transfusionnel a été précisé : avant la transfusion (dans les 2 heures qui précèdent et en dehors d’une prescription quotidienne) ou après la transfusion (dans les 2 heures qui suivent). Les auteurs soulignaient que l’administration post-transfusionnelle de furosémide avait un caractère préventif si aucun signe respiratoire n’existait.

 

L’âge moyen des patients était de 62,5 ans. Sur les 200 patients, 104 (52%) étaient des femmes. Sur le total des patients, au moins un facteur de risque pour l’OAP de surcharge était présent chez 55% d’entre eux. Le facteur de risque le plus important était une dysfonction rénale (33%). La prise régulière de diurétiques existait chez 23% des patients au moment de l’entrée.

 

La cause majeure de l’indication de transfusion était un taux bas d’hémoglobine (66%) et 82% des prescriptions ne comportaient qu’un seul produit sanguin. Le débit moyen de perfusion prescrit était de 1,9 heure pour une unité et réel de 1,7 heure.

 

La prescription de furosémide liée à la transfusion était spécifiée dans 16% des cas. La dose la plus habituelle était de 20 mg (55% des cas) et la voie d’administration, l’intraveineuse (90% des cas). L’administration était majoritairement post-transfusionnelle (74%). Les patients sujets à une telle prescription avaient tendance à être plus âgés et à avoir des antécédents d’insuffisance cardiaque. La prescription de diurétique en péri-transfusionnel était statistiquement en lien avec un taux bas d’hémoglobine (Odd ratio 4,2) et avec la prise de diurétiques avant l’entrée (Odd ratio 3,5).

 

Les auteurs notent que dans les quatre établissements, la prévention de l’OAP de surcharge est prise en compte via les prescriptions d’une seule unité et du débit de perfusion bas. L’utilisation de diurétique en lien avec la transfusion est faible (16% avec une fourchette allant de 8 à 28%). Ce constat est peut-être dû au choix fait par les auteurs d’inclure des prescriptions consécutives de concentrés de globules rouges chez des adultes (étude non limitée à des prescriptions intéressant des patients plus âgés ou à haut risque d’OAP de surcharge). Si un taux bas d’hémoglobine ou la prise antérieure de diurétique sont liés à la prescription de diurétique en contexte transfusionnel, l’âge et les antécédents d’insuffisance cardiaque ont également un impact, mais non statistiquement significatif. La question de savoir si, et pour quel patient, le furosémide en péri-transfusionnel est nécessaire demeure. Les auteurs émettent l’hypothèse que l’absence d’OAP de surcharge observée est liée à la prescription d’une seule unité et non à la restriction de prescription chez les patients à risque d’OAP. Une sous déclaration demeure possible. Les auteurs soulignent enfin que, curieusement, le moment le plus habituel d’administration du furosémide était post-transfusionnel. La petite taille de l’échantillon représente une limite de cette étude.

 

Utilisation de produits sanguins soumis à un traitement de réduction de pathogène en pédiatrie

 

La transfusion pédiatrique constitue un domaine particulier où, entre autres, l’application des résultats observés chez l’adulte doit être adaptée. De même, des questions spécifiques, portant notamment sur les conséquences potentielles et à long terme de traitements appliqués lors de la production de produits sanguins labiles (PSL) se posent pour ces patients en début de vie. Dans un article récent, deux auteurs ont abordé plusieurs points concernant la transfusion, en pédiatrie, de PSL ainsi traités (Goodrich R P and Segatchian J. Special considerations for use of pathogen reduced blood components in pediatric patients : An overview. Transfusion and Apheresis Science 2018;57:374-377).

 

Les auteurs rappellent que l’enfant de par sa physiologie nécessite, sur le plan transfusionnel, une prise en charge particulière. Les traitements de réduction de pathogènes, de par leur technologie propre, soulèvent de multiples questions : modifications induites sur les composants du sang, toxicité, effets indésirables, … Ils soulignent que la majorité des études ont été réalisées avec des PSL pour adultes et sur des patients adultes. L’application à des patients pédiatriques est indispensable, mais nécessite des adaptations, ne serait-ce que pour les doses à administrer. Les volumes à transfuser sont plus faibles. Pour une unité adulte traitée, divisée en unités pédiatriques, une réduction des coûts est ainsi obtenue. Néanmoins des contre-indications particulières peuvent apparaître telle que la non-utilisation de plasma et de concentrés de plaquettes traités par psoralène chez des nouveau-nés recevant de la photothérapie [interférence lumière ultra-violette (UV) – psoralène]. Une interrogation importante porte sur la toxicité des agents chimiques résiduels à long terme, tout comme d’ailleurs sur l’action des rayons UVC sur les protéines et les cellules elles-mêmes et les modifications qu’ils peuvent provoquer. Enfin, les auteurs s’intéressent aux futures méthodes de réduction de pathogènes pour les concentrés de globules rouges et pour le sang total : riboflavine + UV (prévention de transmission du paludisme par le sang total traité), Amustaline-S-303.

 

 

Pierre MONCHARMONT

N°24
2018