Revue de presse 27

Revue de Presse N°27 - 2019

DANS LA PRESSE…

 

Lymphopénie associée aux prélèvements répétés de plaquettes par cytaphérèse

Connaître les effets biologiques induits par des dons de sang, en particulier lorsqu’ils sont répétés, est indispensable pour assurer la sécurité des donneurs et mettre en place, si nécessaire, des mesures correctives et préventives. Un article récent montre que les donneurs qui donnent fréquemment leurs plaquettes par cytaphérèse présentent une lymphopénie associée (Gansner et al. Plateletpheresis-associated lymphopenia in frequent platelet donors. Blood, 2019;133:605-614).

Un élément est très intéressant est le motif ayant conduit à cette étude. Un donneur de sang qui donnait fréquemment ses plaquettes par cytaphérèse a été adressé à l’un des auteurs pour une consultation externe d’hématologie en raison d’une lymphopénie observée sur les lymphocytes CD4+ (moins de 200 cellules / µL). Ce donneur avait été découvert alors qu’il était volontaire pour participer à une étude de recherche. Un second donneur avait été exclu de l’étude pour la même raison. Ces donneurs avaient été contrôlés pour le HIV (ces résultats étaient inquiétants car le niveau de leur lymphopénie correspondait à un stade avancé d’immunodéficience liée au HIV) et trouvés négatif après plusieurs tests en biologie moléculaire.

Les auteurs ont recruté et étudié 60 donneurs de sang de septembre 2017 à novembre 2017. Trois groupes ont été définis en fonction du nombre de prélèvements par cytaphérèse dans les 365 jours précédents : un ou deux, de trois à 19 et de 20 à 24. Aux Etats-Unis, les donneurs peuvent donner leurs plaquettes 24 fois au maximum sur une période de 12 mois. Le matériel de cytaphérèse était le même pour tous les prélèvements et un seul centre a été inclus.

Un échantillon de sang a été prélevé immédiatement avant et après la cytaphérèse. Les cellules retenues dans la chambre du dispositif de leucoréduction ont été analysées. Outre la numération, une étude par cytométrie en flux a été effectuée. La diversité des récepteurs des lymphocytes T a été explorée par biologie moléculaire à partir de l’ADN extrait.

Au sein des trois groupes, le nombre de lymphocytes T CD4+ et CD8+ décroît de manière frappante lorsque la fréquence des dons augmente. Un nombre de CD4+ inférieur à 200 cellules / µL n’est observé chez aucun donneur avec un ou deux prélèvements. Par contre, 2 donneurs sur 20 (10%) totalisant 3 à 19 prélèvements et 6 donneurs sur 20 (30%) avec 20 à 24 prélèvements présentaient une telle diminution de ce taux. Pour les CD8+, la numération n’était inférieure à la normale chez aucun donneur avec un ou deux prélèvements. Elle l’était chez 4 donneurs sur 20 (20%) avec 3 à 19 prélèvements et chez 11 donneurs sur 20 (55%) avec 20 à 24 prélèvements. Un point important est à considérer : tous les donneurs avec un taux bas de CD4+ et / ou de CD8+ étaient âgés de plus de 55 ans.

En réalisant l’analyse entre taux de lymphocytes CD4+ et CD8+ et nombre d’actes de prélèvements de plaquettes par cytaphérèse sur les 20 dernières années, les taux décroissaient avec l’augmentation des actes et une diminution notable des taux était observée dès que 50 prélèvements avaient été effectués.

Au niveau de la chambre d’extraction du dispositif de déleucocytation, le contenu en lymphocytes était élevé, incluant des lymphocytes CD4+ et CD8+. Le système d’extraction présentait une efficacité pour les lymphocytes et les monocytes entre environ 15 et 20 % pour tous les groupes.

Les sous-populations lymphocytaires ont été examinées par cytométrie en flux. Parmi les résultats observés, le pourcentage de lymphocytes T CD4+ naïfs diminuait et les pourcentages de lymphocytes CD4+ et CD8+ mémoires augmentaient lorsque le nombre de dons augmentaient dans les groupes. De même, le pourcentage de lymphocytes Th17 décroissait. Du point de vue de la diversité clonale, il n’existait pas de différence au sein des groupes.

L’étude des questionnaires pré don de ces donneurs n’ont pas montré d’infections pulmonaires opportunistes, ni de cancers inhabituels. Aucun de ces donneurs n’avait de test de dépistage positif pour le HIV ou d’autres agents infectieux à chaque don.

Dans la discussion, les auteurs relèvent que les 8 donneurs avec diminution du nombre de lymphocytes CD4+ étaient âgés de plus de 55 ans, qu’ils avaient effectué un grand nombre de dons (170 ou plus) et qu’ils donnaient fréquemment (au moins une fois 24 dons par an). Ils lient cette diminution à la rétention au niveau de la chambre d’extraction du dispositif de leucoréduction.

Les auteurs estiment que jusqu’à 10% des lymphocytes CD4+ circulants sont perdus lors de chaque acte de cytaphérèse. Cette perte n’induit pas de dommage chez les donneurs. Les auteurs soulignent qu’actuellement, il n’est pas établi si la numération des lymphocytes CD4+ revient à la normale après arrêt des cytaphérèses. Néanmoins, si le nombre de lymphocytes circulants est diminué, la diversité des récepteurs d’antigène persiste.

 

Œdème aigu de surcharge et transfusion en ambulatoire

Le développement des modes de prise en charge alternatifs à l’hospitalisation conventionnel est actuellement en pleine essor en France. Ces modes de prise en charge doivent permettre de maintenir une sécurité optimale chez les receveurs. Connaître l’incidence des effets indésirables receveur ainsi que leur type est indispensable pour prendre les mesures adaptées qui assureront leur prévention. Une équipe australienne vient d’étudier le risque de survenue d’un œdème aigu du poumon (OAP) de surcharge dans le contexte de la transfusion en ambulatoire (Simpson et al. Transfusion-associated circulatory overload in ambulatory patients. Vox Sanguinis 2019;114:216-222).

L’étude rétrospective a porté sur des patients transfusés en ambulatoire dans un centre hospitalier. Les auteurs ont utilisé les critères de l’International Society of Blood Transfusion (ISBT) pour établir le diagnostic d’OAP de surcharge transfusionnel. Les patients qui ne présentaient pas tous les critères d’OAP de surcharge mais seulement quelques-uns et / ou ceux qui avaient reçu des diurétiques non prévus ont été regroupés sous l’appellation « patients à risque clinique significatif d’hypervolémie ». La surveillance était une surveillance active. Tous les patients qui ont été ré-hospitalisés dans les 24 heures après une transfusion en ambulatoire ont été évalués pour l’OAP de surcharge transfusionnel lors de celle-ci.

Sur la période retenue (de janvier à décembre 2014), 93 patients (49 hommes et 44 femmes) de 75,9 ans d’âge moyen ont reçu 1536 concentrés de globules rouges (CGR) lors de 715 épisodes transfusionnels. A la base, 13 patients (14%) présentaient une insuffisance cardiaque et 17 (18,3%) une pathologie rénale chronique. Le nombre moyen de CGR était de deux par épisode et le nombre médian d’épisodes cumulés était de 7 par patient.

Les auteurs n’ont détectés aucun OAP de surcharge transfusionnel y compris chez les patients ré hospitalisés 24 heures après une transfusion ambulatoire. Par contre, 57 épisodes de risque clinique significatif d’hypervolémie, soit 8% des épisodes, ont été observés chez 32 patients. Parmi ceux-ci, 19 n’avaient présenté qu’un seul épisode de ce type et 13 des épisodes multiples. Les auteurs ont observé que l’âge est significativement associé au risque d’épisode d’hypervolémie (odds ratio 1,05, P = 0,017). Par contre, l’analyse multi-variable ajustée à la fois au nombre de CGR par épisode et au cumul des CGR n’était pas significative pour l’une quelconque de ces variables.

Si aucun OAP de surcharge transfusionnel n’a été recensé, 8% des transfusions ambulatoires ont été accompagnées d’un risque clinique d’hypervolémie. Les auteurs relèvent que leur étude reflète « la vraie vie ». Ses résultats peuvent être généralisés aux autres unités d’hématologie ambulatoires. L’une des limites de cette étude est la petite taille de l’échantillon et son caractère rétrospectif. De plus, les auteurs soulignent que la surveillance active n’est pas une pratique clinique de routine dans beaucoup de centres ambulatoires.

 

Recherche de l’ARN des virus de la dengue et du chikungunya sur les dons de sang

L’existence d’agents infectieux émergents pose d’emblée la question d’une transmission transfusionnelle et de sa prévention. Les évolutions technologiques sont très rapides comme le montre l’article de Stramer et al. qui vient d’être publié dans la revue « Transfusion » (Stramer et al. Dupleix nucleic acid test for the detection of chikungunya and dengue RNA viruses in blood donations. Transfusion 2019;59:1283-1290). En l’absence de tests de screening commerciaux disponibles, les auteurs ont évalué un test de biologie moléculaire détectant à la fois l’ARN du virus de la dengue et du chikungunya (test « duplex ») sur un automate. Le couple réactif et automate est capable de détecter le génome des quatre sérotypes du virus de la dengue (DENV- 1, -2, -3 et -4) et les trois génotypes du virus chinkungunya (West African, East Central South Africa (ECSA) et Asian, variant du ECSA] avec une très bonne sensibilité et spécificité. Sur un total de 10 571 dons testés par la Croix Rouge américaine, des résultats valides ont été obtenus sur 10 528 dons (99,6%). Aucun donneur n’a été trouvé porteur du génome d’un de ces deux virus. Cette étude confirme que l’absence d’un type de test de dépistage peut être compensée par une autre technologie. Parmi les facteurs limitants, la question de la mise à disposition d’une technologie (ici la biologie moléculaire) en fonction de la capacité d’un pays donné à l’intégrer reste posée. Enfin, la mise en place et l’extension de l’utilisation des techniques de réduction de pathogènes dans les produits sanguins labiles (effective pour les concentrés de plaquettes et pour le plasma, en développement pour les concentrés de globules rouges) renforcent également, par une autre voie, la sécurité transfusionnelle.

 

 

Pierre MONCHARMONT

N°27
2019