Revue de presse 9

Revue de Presse N°09 - 2014

DANS LA PRESSE…

Chez les patients atteints de thalassémie et traités par transfusion, le carcinome hépatocellulaire représente une complication grave. Utilisant un registre couvrant le territoire national, une équipe italienne montre que, dans les trois dernières décennies, le risque de développer cette pathologie a augmenté (Borgna-Pignatti et al. Hepatocellular carcinoma in thalassemia : an update of Italian registry. British Journal of Haematology 2014:167:121-126).

Suite à une enquête initiale pratiquée en 2002 dans 55 centres italiens prenant en charge des patients atteints d’hémoglobinopathies, les auteurs ont demandé aux praticiens participants de poursuivre ultérieurement la notification des nouveaux cas de carcinomes hépatocellulaires chez leurs patients thalassémiques.

Entre 2002 et décembre 2012, 62 nouveaux cas ont été recensés parmi environ 5855 patients suivis (incidence cumulée, 1,02%) incluant 32 cas chez des thalassémiques majeurs (sur 4248 patients, 0,75%), 28 cas chez des patients thalassémiques intermédiaires (sur 1607 patients, 1,74%). Deux patients supplémentaires étaient porteurs d’une double pathologie, thalassémie et drépanocytose. Le nombre de patients atteints de carcinome hépatocellulaire augmentait avec le temps: 14 cas entre 1998 et 2002, 29 cas entre 2003 et 2007 et 31 cas entre 2008 et 2012.

Cinquante-quatre patients (87%) étaient porteurs d’anticorps dirigés contre le virus de l’hépatite C (HCV) et 43 étaient virémiques (69,4%). Seuls 14 patients avaient bénéficié d’un traitement anti-viral. Un nombre important de patients (11 dont 10 de génotype 1b et un de génotype 4) n’avaient pas répondu à ce traitement.

Trois patients étaient porteurs de l’antigène de surface du virus de l’hépatite B (HBV) et 36 possédaient des marqueurs montrant une infection antérieure par ce virus. Seuls 22 avaient été vaccinés.

Les auteurs notaient que seuls 4 patients, tous atteints de thalassémie intermédiaire, n’étaient pas infectés par l’HCV, ni par l’HBV. Leur taux de ferritine au moment du diagnostic de carcinome hépatocellulaire était significativement plus élevé que le taux moyen observé chez le même type de patients.

Sur le plan clinique, 51 patients (82%) étaient complètement asymptomatiques ou faisaient état de symptômes non spécifiques. Le diagnostic de carcinome hépatocellulaire a été confirmé par biopsie chez 24 patients. La concentration moyenne de fer hépatique était de 9 mg/g de poids sec.

Un élément intéressant était que le taux d’alpha-foetoprotéine se trouvait dans la fourchette normale chez 20 des 45 patients chez lesquels il était disponible. Le taux médian était plus élevé chez les patients avec thalassémie intermédiaire (12,3 μg /L) que chez les patients avec thalassémie majeures (9,8 μg/L).

Au mois de décembre 2012, 41 patients étaient décédés. Les auteurs notent que le carcinome hépatocellulaire est une complication qui grève le pronostic de la thalassémie bien que la survie des patients est nettement augmentée dans les récentes décades.

La prévalence du carcinome hépatocellulaire semble plus élevée chez les thalassémiques intermédiaires que chez les thalassémiques majeurs. Les auteurs expliquent cette observation en précisant que le fer absorbé au niveau du tractus digestif chez les thalassémiques intermédiaires se retrouve directement dans les hépatocytes tandis que chez les thalassémiques majeurs, le fer d’origine transfusionnelle va initialement dans les cellules de Küpfer.

Le risque de développer un carcinome hépatocellulaire pose la question de placer sous traitement chélateur des patients thalassémiques non transfusion dépendants même si la charge en fer est limitée au foie.

Enfin, sur le plan de la surveillance, compte tenu que les symptômes sont souvent modérés et tardifs, les auteurs recommandent de pratiquer une échographie hépatique tous les six mois particulièrement chez les patients avec un diagnostic de fibrose ou de cirrhose.

Remonter dans le passé grâce à l’étude de prélèvements très anciens, conservés congelés, en appliquant les méthodes modernes de diagnostic biologique pour détecter des marqueurs viraux d’hépatite virale apporte des informations instructives sur une situation existant avant l’instauration de mesures visant à réduire le risque de transmission d’infection par transfusion. Une équipe vient d’évaluer des prélèvements de patients ayant bénéficié d’une chirurgie à coeur ouvert dans les années 60 pour différents virus d’hépatite (Engle et al. Transfusion-associated hepatitis before the screening of blood for hepatitis risk factors. Transfusion 2014;54:2833-2841).

Les auteurs ont testés des sérums de 66 patients soumis à une chirurgie à coeur ouvert entre janvier 1965 et juin 1968, ayant reçu un nombre important de transfusion et ayant été l’objet de prélèvements sanguins multiples lors de leur suivi (une dizaine en moyenne par patient).

Les produits sanguins transfusés avaient quatre sources, deux d’origine non commerciale et deux d’origine commerciale. Les receveurs ont reçu des produits issus des deux origines avec majoritairement une origine commerciale. Deux lots de plasma sec poolés d’origine commerciale préparés à la même époque avaient été reconstitués, aliquotés et congelés à – 80° C depuis 1969.

Les taux d’alanine amino-transférase (ALT) et d’aspartate amino-transférase (AST) ont été déterminés. Le diagnostic d’hépatite a été posé lorsque le taux d’un ou des deux enzymes dépassait 100 unités Karmen (2 fois et demi la limite supérieure normale) en une ou plusieurs occasions et une élévation de plus de 80 unités présente sur 2 ou plusieurs semaines entre la 2ème et la 26ème semaine après l’intervention. Le diagnostic d’hépatite avec ictère était posé lorsqu’un ictère était cliniquement observé ou lorsque le taux de bilirubine totale dépassait 2 mg/dL. Les auteurs signalent qu’aucune biopsie n’était disponible.

Sur le plan biologique, les prélèvements ont été testés pour les virus de l’hépatite A (HAV), B (HBV), C (HCV), D (HDV) (delta) et E (HEV) sur différents marqueurs y compris par biologie moléculaire.

Sur les 66 patients évalués, 30 (45 %) présentaient une hépatite biologique, dont 13 (43 %) avec un ictère. Ces patients avaient reçu en moyenne 22,6 produits sanguins dont 88 % étaient d’origine commerciale. Les patients qui n’ont pas développé d’hépatite avaient reçu en moyenne moins de produits sanguins (19,8) avec une proportion moindre (75 %) d’origine commerciale. Les seuls 4 patients qui avaient été transfusés avec des produits sanguins prélevés majoritairement chez des donneurs n’ont pas été infectés par un virus d’hépatite virale, ni développé d’hépatite.

Les 30 patients avec hépatite ont été infectés, soit par le HCV seul (20 cas d’hépatite aiguë, 67%), soit par le virus de le HBV seul (4 cas d’hépatite aiguë, 13%), soit les deux (6 cas, 20%). Chez les 36 autres patients sans signe biologique d’hépatite, 4 étaient infectés par le HCV seul (11%), 9 par le HBV seul (25%) et 1 seulement par les deux virus (3%).

De l’ARN viral a été détecté chez les 31 patients infectés par le HCV et 25 étaient porteurs du génotype 1b. Pour le HBV, c’est le génotype A qui prédominait (11 cas sur les 12 patients qui ont pu être évalués). Le dernier était de génotype D. Pour ces deux virus la répartition génotypique était similaire à l’actuelle.

Au total, deux tiers des patients traités par chirurgie à coeur ouvert étaient infectés par l’HCV et/ou l’HBV. Quand le HBV était en cause, la probabilité que l’hépatite soit ictérique était 2 fois plus élevée, tandis que pour le HCV, c’était l’absence d’ictère qui était 1,8 fois plus élevée. Pour au moins 17 hépatites B, toutes ont été résolutives sauf une devenue chronique. Pour les hépatites virales C, 11 ont été résolutives et 15 sont devenues chroniques. Des réponses anamnestiques ont été relevées (présence de réinfections).

Pour les autres virus d’hépatite, 44 des 59 patients testés (75%) avaient des anticorps dirigés contre le HAV. Dix-huit des 62 patients évalués (29%) étaient porteurs d’anticorps dirigés contre le HEV. Un patient n’ayant pas développé d’hépatite et sans anticorps anti-HEV avant transfusion, a acquis rapidement des anticorps anti-HEV avec une présence transitoire d’ARN du HEV (génotype 3), 4 semaines après transfusion. Aucun des patients infectés par le HBV n’a été coinfecté par le HDV (hépatite delta).

De nombreux marqueurs d’hépatite virale ont été trouvés dans les deux lots de plasma évalués : présence d’antigène HBs et d’anticorps anti-HBc dans les 2 lots, d’ADN du HBV dans un lot, d’anticorps anti-hépatite delta dans un lot, d’ARN du HCV et d’anticorps anti-HCV dans les 2 lots. Enfin, des anticorps anti-HAV ont été détectés dans les 2 lots et d’anticorps anti-HEV dans un.

Le taux d’infection des donneurs a été estimé approximativement à 2% pour l’HBV, à 3% pour l’HCV et à 6% pour l’un ou les deux virus.

Dans la discussion, les auteurs mettent en avant le caractère historique de leur étude avec probablement la description du premier cas de transmission de virus responsable d’hépatite E par transfusion aux Etats Unis et précisent que l’exposition au HEV existait déjà dans les années 60.

La délivrance du plasma frais congelé (PFC) traité au bleu de méthylène (PFC-BM) a été arrêtée en France, le 1er mars 2012. Une étude grecque récemment publiée, réalisée sur 11 années, a comparé les données d’hémovigilance concernant le PFCBM et le PFC sécurisé par quarantaine (PFC-Se) (Politis et al. Haemovigilance data on the use of methylene blue virally inactivated fresh frozen plasma with the Theraflex MB-Plasma System in comparison to quarantine plasma: 11 years’ experience. Transfusion Medicine, 2014;24:316-320). Les auteurs ont étudié les effets indésirables receveurs sur 11 années, de 2001 à 2011 pour les deux types de PFC.

Le PFC-Se était délivré dans les 3 à 6 premiers mois de stockage et avec sécurisation réalisée par un nouveau contrôle du donneur pour les marqueurs infectieux appropriés (HIV-1/2, HBV, HCV, HTLV- I/II, virus de West Nile, syphilis). Pour le PFC-BM, la délivrance avait lieu entre 2 à 6 mois de stockage.

Sur la période retenue, 290 951 unités de PFC ont été délivrées. Le PFC délivré était majoritairement du PFC-Se (217 173 unités, 74,6%) contre 73 778 PFC-BM (25,4%), soit un ratio de 2,9 pour 1.

Les auteurs relèvent qu’aucun décès n’a été notifié, ni aucune transmission d’HBV, HCV, HIV et virus de West Nile. Pour le PFC-BM, 3 rapports d’effet indésirable ont été recensés, tous correspondant à des réactions allergiques de grade 1. Pour le PFC-Se, 60 rapports ont été collectés sur la période considérée dont 29 réactions allergiques (21 de grade 1 et 8 de grades 2-3) et 18 réactions fébriles non hémolytiques. Trois cas de « Transfusion-related acute lung injury » (TRALI) ont été observés pour le PFC-Se. Les auteurs font état de six infections à staphylocoque liées à la transfusion de PFC-Se, dont 4 avant l’introduction de l’élimination du premier aliquot collecté. Deux des infections étaient d’imputabilité certaine.

L’incidence totale d’effet indésirable était plus élevée pour le PFC-Se (1 pour 3 620 produits) que pour le PFC-BM (1 pour 24 593 produits). Le taux pour 10 000 unités était estimé à 0,41 avec le PFC-BM contre 2,76 pour le PFC-Se, soit 6,79 fois plus d’effets indésirables avec le premier.

Pour les réactions allergiques, le taux estimé pour 10 000 unités était de 0,41 pour le PFC-BM contre 1,34 pour le PFC-Se soit 3,28 fois plus de réactions allergiques avec le PFC-Se.

Les auteurs concluent que le PFC-BM présente, sur le long terme, une sécurité accrue par rapport au PFC-Se.

Pierre MONCHARMONT

N°09
2014